Mardi passé, le 25 octobre, les derniers faisceaux de l’exploitation avec protons 2016 ont circulé dans le LHC, concluant une campagne exceptionnelle. Au début de l’année, nous nous étions fixé comme objectif d’atteindre la luminosité crête nominale de la machine, soit 1034 cm–2s–1; à l’approche de la fin de l’exploitation, la machine a régulièrement fonctionné 30 % au-dessus de ce niveau. Notre objectif de luminosité intégrée pour 2016 était de 25 femtobarns inverses. Nous en avons obtenu 40.
Cette réussite apparaît encore dans la statistique la plus remarquable de l’année : en 2016, le LHC a fourni des faisceaux stables aux expériences pendant 60 % de son temps de fonctionnement. Je ne saurais trop souligner l’importance de ce chiffre ; en effet, le nombre total de collisions que nous fournissons aux expériences (c’est-à-dire la luminosité intégrée) détermine la capacité de celles-ci à mener leurs formidables recherches. Plus la disponibilité de la machine est élevée, plus le volume de données fourni est important. C’est aussi simple que cela.
Pour mieux comprendre ce que représente ce chiffre, il faut savoir que l’objectif de disponibilité du LHC que nous avions fixé pour 2016 était de 50 %, niveau déjà ambitieux. Le résultat final peut donner l’impression que nous n’étions pas assez ambitieux ; cependant, nous avons fixé l’objectif en nous appuyant sur une expérience de plusieurs dizaines d’années. Le Grand collisionneur électron-positon (LEP), par exemple, a conclu sa très brillante carrière dans la recherche avec une disponibilité de 30 % ; il s’agissait pourtant d’une machine beaucoup plus simple. Le fait que nous puissions faire fonctionner le LHC avec une telle fiabilité constitue un témoignage éclatant de la qualité de la machine, et de la compétence de ceux qui l’ont conçue et de ceux qui la font fonctionner. C’est aussi un très bon signe pour l’avenir de cette machine dans l’univers de la haute luminosité.
L’exploitation 2016 n’a toutefois pas été sans accroc ; même si tout cela ne semble plus qu’un lointain souvenir, il n’y a pas si longtemps, nous traversions un mois de mai semé d’embûches, avec des difficultés allant de la désormais célèbre fouine attirée par les dispositifs haute tension à des problèmes avec le vide dans le dispositif d’arrêt de faisceau du SPS et avec le système des principaux convertisseurs de puissance du PS. Il est bon de ne pas oublier ces moments difficiles. Ils nous rappellent que, avec une machine aussi complexe que le LHC, nous ne pouvons jamais nous reposer sur nos lauriers.
Les statistiques exceptionnelles de 2016 ne reflètent pas le fait que l’exploitation a été limitée par certaines de ces difficultés. Les problèmes survenus avec le vide dans le SPS ont fait que nous n’avons pu injecter que 2 200 paquets au lieu des 2 700 prévus. Et le dégazage dans un aimant de déflexion rapide du LHC, aimant qui sert à injecter les paquets de particules dans la machine, a limité le nombre de particules dans chaque paquet.
La fin de l’exploitation avec protons n’est pas, bien sûr, la fin de l’exploitation du LHC en 2016. Nous passons à présent à quelques semaines de collisions entre des ions plomb et des protons, qui auront lieu à des énergies de collision de 5.02 et de 8.16 TeV. C’est la première fois depuis 2013 que nous réalisons des collisions plomb-proton, lesquelles fournissent des données importantes pour l’interprétation des résultats des collisions plomb-plomb. Il s’agit aussi de la dernière exploitation avec ions jusqu’en 2018, car l’arrêt hivernal sera plus long que d’habitude cette année, pour permettre de régler des problèmes tels que la fuite de vide dans le dispositif d’arrêt de faisceau du SPS.
Enfin, nous conclurons la campagne 2016 du LHC par quelques préparatifs pour le futur. Nous y avons consacré une des semaines de l’exploitation avec protons, afin d’avoir deux semaines complètes au lieu d’une seule pour commencer le réentraînement des secteurs 3-4 et 4-5 en vue de faire fonctionner le LHC à son énergie nominale, 14 TeV. Les enseignements tirés de ces travaux fourniront des informations précieuses pour l’atelier sur la performance du LHC en 2017, qui se tiendra en janvier et posera le décor pour les années à venir à la frontière de l’énergie.
Frédérick Bordry est le Directeur des accélérateurs et de la technologie du CERN