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Le petit labo dans la prairie, de la biodiversité au CERN

Des équipes de professionnels et des passionnés de nature travaillent à la préservation de la flore et de la faune sur les sites du CERN

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The birds and the beams: Biodiversity at CERN

L'un des moutons du troupeau qui broute sur le site du CERN, au-dessus des Anneaux de stockage à intersections. On aperçoit au fond le château d'eau du Laboratoire. (Image : Maximilien Brice/CERN)

Il est sept heures du matin. Des moutons broutent paisiblement, comme tous les moutons du monde. Sauf que leur pâturage se trouve au beau milieu du CERN, plus exactement au-dessus du premier collisionneur de protons du monde. Les Anneaux de stockage à intersections (ISR) sont arrêtés depuis 1984. Mais ce matin, la machine résonne de bêlements et de tintements de clochettes tandis que le berger Enrico D'Ippolito y dirige son troupeau. Kin, le chien border collie de 3 ans, saute le long des vieilles portes métalliques, aboyant pour faire avancer les ovins. « Ils sont doux, mais pas de tout repos ! », sourit le berger. Le contraste est saisissant entre les bâtiments industriels d’un laboratoire high-tech et ce troupeau droit sorti d’une carte postale nature.

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Kin, le border collie, garde l'oeil sur le troupeau. (Image : Maximilien Brice/CERN)

La famille D'Ippolito fait brouter des moutons sur les terres du CERN depuis plus de 45 ans. Arrivé de Rimini en Italie, Mario, le père d’Enrico, avait 18 ans quand il a commencé à travailler dans les vignes voisines du CERN, avant de devenir berger. À 74 ans, l’homme est d’une stature imposante, des épaules larges dans son T-shirt rayé, et la peau tannée par des années au grand air. D’Ippolito a démarré avec un troupeau de 100 têtes de la race française « Rouge de l’ouest ». Aujourd’hui, sur les ISR, il y a encore environ 90 ovins, élevés pour la viande, bêlant, mastiquant l’herbe grasse et grignotant les arbustes.

Enrico, son fils, porte un bleu de travail, car plus tard, il exercera son deuxième emploi, la réparation de 4x4 dans son garage du village suisse voisin de Satigny. « J’aide mon père au troupeau depuis que je suis gamin, explique-t-il. Il y avait beaucoup moins de bâtiments à l’époque, plus d’espace pour les moutons. Maintenant, on les fait paître sur les espaces difficiles à entretenir pour les jardiniers. »


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Les forêts sur les sites du CERN sont entretenues en partenariat avec l'Office nationale des forêts. (Image : Maximilien Brice/CERN)

Alexandre Fournier dirige l’équipe de cinq paysagistes employés par la société ISS qui gère les espaces verts du Laboratoire. Il a commencé à travailler au CERN comme apprenti en 2007 et explique qu’il est resté car il apprécie la variété du travail sur ces sites si étendus. Il faut dire que les jardiniers ont de quoi faire sur les sites du CERN. Sur les 211 hectares des 15 sites répartis de part et d’autre de la frontière franco-suisse, pas moins de 100 hectares sont à entretenir, dont la moitié sont des parkings. En plus de ces sites clôturés, environ 400 hectares de terrains sont mis à disposition du CERN par la France et la Suisse pour d’éventuels besoins futurs. En attendant, ces terrains non clôturés sont soit des champs cultivés ou des prairies exploitées par des agriculteurs, soit des bois et des forêts gérés en partenariat avec l’Office national des forêts (ONF). Le CERN compte également quelques zones humides, comme un étang avec des roseaux sur l’un des sites du grand accélérateur du CERN, le Grand collisionneur de hadrons (LHC).

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Un crapaud de l'étang qui se trouve sur l'un des sites du CERN, au-dessus du LHC. (Image : Maximilien Brice/CERN)
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Ophrys apifera, ou orchidée abeille, l'une des espèces répandues sur les sites du CERN. Voir plus. (Image : Maximilien Brice/CERN)

Les tâches d’Alexandre Fournier et de ses collègues vont de la tonte, de la taille des arbres et des arbustes, au ramassage des branches ou des feuilles mortes en passant par le déneigement en hiver et la réparation des clôtures. Parfois, il faut même rattraper un mouton égaré. « Si un arbre tombe sur un bâtiment important du CERN, comme un bâtiment de la cryogénie par exemple, nous devons intervenir, explique Alexandre. Nous protégeons également la faune et la flore des sites. Nous devons évaluer quels espaces tondre et quand le faire, afin de protéger les zones où poussent les orchidées, par exemple. Nous devons les laisser pousser et germer de manière à ce que de nouveaux plants poussent l’année suivante. »

Les orchidées sont l’une des fiertés des paysagistes. « Le CERN possède la plus grande population d’orchidées sauvages du bassin lémanique, souligne Mathieu Fontaine, responsable du service des espaces verts du CERN. Nous avons cinq hectares de prairies sèches classées en zones à orchidées sur lesquelles pas moins de 16 espèces poussent. Du fait de l’histoire du site, avec une maintenance sans fertilisant, ni pesticide, les sols sont relativement pauvres et les orchidées apprécient ce genre de sol. »

Les espèces les plus communes sur les sites sont les orchidées pyramidales (Anacamptis pyramidalis) et de l’Homme-Pendu (Aceras anthropophorum). Vous trouverez aussi l’orchidée abeille (Ophrys apifera), dont le cœur ressemble à une abeille pour mieux attirer ces insectes. Himantoglossum Robertianum est une espèce rare dans la région, observée pour la dernière fois sur le site il y a deux ans. Il y a aussi la charmante orchidée bouc (Himantoglossum hircinum), dénommée ainsi pour sa forte odeur, et l’orchidée singe (Orchis simia), qui tient son nom de la forme de son labelle (troisième pétale, celui qui retombe), évoquant la morphologie d’un singe.

Mais, Alexandre souligne que les espaces verts du CERN ne sont pas uniquement des espaces de conservation de la flore. Ils offrent également un cadre de travail agréable pour les utilisateurs du CERN. « Si un chercheur trouve un endroit où s’asseoir et réfléchir à l’ombre, au son des pépiements des oiseaux ou de l’eau qui coule, j’imagine que c'est bénéfique à son travail. » 


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(Image : Maximilien Brice/CERN)

Près du restaurant principal, où se côtoient étudiants et prix Nobel, des moineaux se disputent les miettes dans la poussière. Des milans et des buses plannent dans le ciel, tandis que des pies et un geai des chêne sont aux aguets, sur les branches. Il y a aussi des oiseaux chanteurs : pinsons, mésanges, fauvettes, chardonnerets et d’autres encore. Les bâtiments du CERN, dont certains ont été construits dans les années 1950, leur fournissent de nombreux recoins pour installer leur nid.

Il y a des couleuvres dans les prés et Alexandre Fournier indique même que l’on trouve des castors dans la rivière bordant le site de Prévessin, le deuxième grand site du CERN. Et si vous êtes patients, vous aurez peut être la chance d’apercevoir des daims qui se sont installés dans les bois du site de Prévessin. Le CERN compte 136 hectares de forêts, entretenues en partenariat avec l’Office nationale des forêts, dans lesquelles poussent des chênes, frênes, merisiers, noisetiers ou encore de l'aubépine.

« Comme les sites du CERN sont mis à disposition par la Suisse et la France, une partie de mon travail relève des relations avec nos pays d'accueil », explique Mathieu Fontaine. Même les moutons d’Ippolito doivent posséder un « passeport », en réalité une étiquette jaune sur l'oreille indiquant le numéro enregitré par le bureau des douanes. « Comme nous avons des terrains qui ne sont ni traités, ni cultivés, il est logique qu’ils abritent des espèces animales et végétales rares, indique Mathieu Fontaine. Mais l'activité du CERN, c’est la physique fondamentale. Établir des listes d'espèces ne relève pas de nos priorités. » En dehors des orchidées, les équipes n’ont pas réalisé de listes exhaustives des espèces. 


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Un lézard cherche un endroit pour se prélasser au point 5 du LHC. (Image : Maximilien Brice/CERN)

Mais un club récemment fondé au CERN pourra peut être s’en charger. « Ces prairies sont de vraies niches écologiques avec une grande biodiversité, propice à l’installation et à la reproduction d’insectes comme les abeilles, qui sont pour nous les sentinelles de l’environnement », explique Patrick Blaise, membre du CERN, apiculteur amateur et président du club du CERN « Nature et abeilles ». Il envisage de porter le nombre de ruches sur le site de cinq à dix et surveille les essaims. Manque de chance, la chaleur de cette année n’a pas permis la migration des insectes vers de nouveaux nids. Mais Patrick et son équipe ne sont pas découragés. « Nous allons tout préparer cet hiver, en espérant un printemps 2016 favorable et une année apicole formidable, poursuit-il. Nous ne le faisons pas pour le miel. L’objectif est de créer une population d'abeilles pour polliniser les plantes locales, exlique-t-il. Nous voulons montrer aux gens que les abeilles sont importantes pour notre écosystème. »

Martial Laville, collègue de Blaise et trésorier du club, partage son enthousiasme : « Beaucoup de gens ne font pas la différence entre abeilles et guêpes. Je veux leur montrer qu'il ne faut pas avoir peur des abeilles, que ce sont des insectes indispensables pour la production de fruits et de légumes. Il y a un aspect écologique très important. »

Nichés entre les montagnes du Jura et des Alpes, avec ses prairies et ses bois abritant une grande biodiversité, les sites du CERN offrent des lieux de promenades et d’exploration pour les amateurs de Nature, au-dessus des accélérateurs, sous les arbres.

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Une buse patrouille au-dessus du site de l'expérience ATLAS. (Image : Maximilien Brice/CERN)

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