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Un festin de physique aux conférences d’hiver

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Eckhard Elsen is Director for Research and Computing

Les conférences d’hiver nous donnent un premier aperçu de ce que la performance extraordinaire du LHC en 2016 représente pour la physique

Les conférences d’hiver de cette année nous donnent un premier aperçu de ce que la performance extraordinaire du LHC en 2016 représente pour la physique. Nous avons à présent entamé la deuxième semaine de la conférence de Moriond. La première semaine nous a fait découvrir une moisson de nouveaux résultats passionnants en physique électrofaible, et la seconde semaine promet un festin de chromodynamique quantique (QCD).

Pour moi, le message clé de Moriond est que nous commençons véritablement à voir comment le grand volume de nouvelles données étend la portée des recherches du LHC, tout en apportant également une nouvelle précision à nos analyses sur des éléments connus de la physique. Les expériences LHC atteignent à présent, avec un collisionneur de hadrons, un degré de précision qui était auparavant possible uniquement avec une machine à électrons ; cet exploit, c’est à la machine, aux expériences et à l’infrastructure informatique qu’on le doit.

Les hadrons sont des particules composites ; les collisions « dures » ont lieu entre leurs constituants, qui ne portent que rarement une grande partie de l’énergie de l’hadron. C’est pour cette raison qu’une luminosité élevée est nécessaire afin d’atteindre les énergies de collisions les plus élevées. En effet, plus le nombre de collisions est important, plus le nombre de collisions de haute énergie l’est aussi, ce qui permet d’atteindre des niveaux d’énergie plus élevés. Avec la riche moisson de 2016, les expériences LHC sont allées beaucoup plus loin, en termes d’énergie, que jamais auparavant.

Cela est extrêmement enthousiasmant, mais il est possible que, si des traces d’une nouvelle physique sont présentes dans les données de 2016, il faille un certain temps pour les découvrir. Ce ne sera donc pas comme la découverte du mécanisme de BHE et du boson de Higgs ; celui-ci, étant une particule de masse relativement faible selon les normes du LHC, s’est rapidement montré une fois que les collisions ont atteint l’énergie nécessaire pour produire des particules de Higgs. La nouvelle physique exigera à la fois plus de données, des analyses de plus en plus sophistiquées et une bonne compréhension théorique, et tout cela prend du temps.

Moriond nous offre néanmoins une entrée en matière extrêmement appétissante pour la physique de la seconde exploitation, après les amuse-bouches des conférences de l’été passé. Parmi les sujets déjà présentés, on peut citer une mise à jour de la mesure de la masse de la particule W, issue des données d’ATLAS de la première exploitation, qui présente désormais une précision semblable aux meilleures mesures réalisées dans le monde. Cela montre à quel point les collaborations LHC connaissent bien leurs détecteurs et combien elles deviennent habiles pour extraire des résultats de physique précis et restreindre ainsi l’espace de phase où peut se cacher la nouvelle physique. Pour donner un exemple de la connaissance intime que nous acquérons de la particule de Higgs, on peut citer la mesure impressionnante du couplage du Higgs en quarks top réalisée par l’expérience CMS. Ainsi, les deux expériences nous apportent une connaissance solide de la composition en quarks des protons, un ingrédient clé pour l’ensemble des analyses du LHC.

Comme exemple des techniques d’expérimentation complexes qui sont à présent possibles avec les expériences LHC, je souhaiterais citer la mesure effectuée par LHCb de la désintégration extrêmement rare, de l’ordre de quelques unités pour un milliard, du méson Bs en deux muons ; à présent, même la durée de vie a pu être extraite pour cet événement. Avec plus de données, ces collisions continueront d’être un terrain de recherche important pour la nouvelle physique.

Même si la conférence de Moriond sur la QCD n’est pas le forum principal pour la physique des ions lourds, l’expérience ALICE y présente des résultats qui soulignent la valeur des exploitations proton-proton et proton-plomb réalisées à la fin de l’année. La comparaison des signatures observées par l’expérience dans toutes les configurations utilisées fait largement progresser notre connaissance du processus de déconfinement des quarks et des gluons dans le plasma quarks-gluons, c’est-à-dire la matière dans l’état où elle aurait été juste après le Big Bang.

Ce n’est là qu’un aperçu de la pléthore de nouveaux résultats présentés à Moriond, et vous pourrez en apprendre davantage sur certains d’entre eux à mesure qu’ils seront publiés sur le site web du CERN au fil de la conférence. Pour vous donner une idée de l’avenir radieux qui attend le LHC, je souhaiterais encore partager une information avec vous : aux conférences d’été de l’année passée, les analyses des données de la deuxième exploitation étaient basées sur les premiers extraits de 15 femtobarns inverses de données. Les analyses présentées à Moriond se fondent sur 40 femtobarns inverses, et ce chiffre va encore augmenter substantiellement. Pour ma part, je brûle de découvrir le plat de résistance que nous réserveront les conférences d’été.