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Moriond : des montagnes de nouveaux résultats de précision

Les collaborations du CERN présentent des résultats aux 52e Rencontres de Moriond, avec de premiers résultats sur l’ensemble des données à 13 TeV

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A wealth of precise new results at Moriond

Les Rencontres de Moriond sont traditionnellement la rencontre la plus importante de l’hiver pour les physiciens des particules. (Image: Isabelle Cossin/CNRS)

Les 52eRencontres de Moriond ont eu lieu du 18 mars au 1er avril à La Thuile (Italie). La première semaine, qui s’est achevée le 25 mars, était consacrée au thème « Interactions électrofaibles et théories unifiées », et la seconde portait sur « La CDQ et les interactions de haute énergie ».

Les quatre grandes expériences du CERN ont présenté beaucoup de résultats récents, et notamment les premiers issus de l’ensemble des statistiques, comprenant donc l’intégralité des données à 13 TeV disponibles à l’heure actuelle. Les derniers résultats ont pu bénéficier de la performance exceptionnelle, bien au-delà des attentes, réalisée en 2016 par le LHC et la chaîne d’accélérateurs. La luminosité intégrée finale – le nombre cumulé de collisions potentielles – a atteint un total d’environ 40 fb-1 aussi bien pour ATLAS que pour CMS, alors que l’objectif pour l’ensemble de l’année était de 25 fb-1. Il s’agit du plus gros volume de données jamais collecté auprès d’un collisionneur d’hadrons. En outre, grâce à la disponibilité exceptionnelle de la machine ainsi qu’à l’intégration de plusieurs nouvelles idées et techniques de production dans les opérations du LHC, la luminosité de crête instantanée a atteint environ 1,4 x 1034 cm-2s-1, soit 40 % de plus que la valeur nominale. 2016 a été la première année complète de prise de données à une énergie de 6,5 TeV par faisceau, l’énergie de collision la plus élevée jamais atteinte par un collisionneur de particules.

ATLAS

La collaboration ATLAS a présenté les premiers résultats obtenus avec le nouvel ensemble de données, d’un volume plus de trois fois supérieur à celui disponible lors de la dernière conférence ICHEP, qui s’est tenue en août 2016. Cette augmentation considérable du volume de données a permis de mener de nombreuses quêtes de la physique au-delà du Modèle standard.

Parmi les temps forts de la conférence, on peut citer les résultats des recherches sur les particules supersymétriques, qui permettent désormais, pour la première fois, d’exclure les théories dans lesquelles les masses des particules atteignent 2 TeV. La recherche sur les particules lourdes se désintégrant en jets d’hadrons a permis de sonder la structure des quarks à des énergies jamais obtenues auparavant, et de définir la limite inférieure de leur masse à 6 TeV.

La recherche de la désintégration rare du boson de Higgs en deux muons, qui constitue un test de la prédiction fondamentale du Modèle standard concernant les couplages Higgs-leptons, pour plusieurs générations de leptons, approche maintenant du niveau de sensibilité nécessaire pour l’observation d’un signal.

De nombreux résultats issus de mesures précises des propriétés de particules connues du Modèle standard ont également été dévoilés, notamment la première mesure de la masse du boson W présentant une précision semblable au meilleur résultat obtenu précédemment par une seule expérience. Cette mesure permet de tester le Modèle standard au moyen de « corrections virtuelles », en s’appuyant sur la relation entre les masses du boson W, du quark t et du boson de Higgs, toutes mesurées précisément par ATLAS. Dans le cas de la quête de nouvelles particules comme dans celui des mesures de précision, aucun écart significatif par rapport aux prédictions du Modèle standard n’a été observé, ce qui permet de définir des limites strictes pour les théories de nouvelle physique. 

CMS

La collaboration CMS a présenté plus de 35 nouveaux résultats, qui s’appuient pour la plupart sur l’ensemble des données de 2016. L’analyse de la désintégration du boson de Higgs dans les canaux à quatre leptons ou à deux photons a fourni de nouvelles mesures des sections efficaces totales et différentielles, qui sont en accord avec les prédictions du Modèle standard dans la limite des incertitudes actuelles.

L’analyse du canal à quatre leptons fournit aussi une nouvelle mesure de la masse du Higgs, plus précise que la mesure issue d’une moyenne de toutes les expériences réalisée pendant la première exploitation. Les recherches de la production associée du quark t et du Higgs dans des états finaux à plusieurs leptons ont fourni un indice direct de l’existence d’un couplage quark t-Higgs, et la puissance mesurée du signal correspond aux prévisions du Modèle standard.

La mesure du coefficient angulaire P5’ dans les désintégrations de mésons B via des processus de courant neutre avec changement de saveur correspond aux prédictions théoriques et est compatible avec les résultats précédents d’une étude semblable menée par LHCb. La première mesure de la masse du quark top et une nouvelle mesure des sections efficaces totale et différentielle du ZZ s’appuyant sur l’ensemble des statistiques de la deuxième exploitation ont également été présentées.

CMS a présenté aussi plus de vingt recherches directes d’une nouvelle physique basées sur l’ensemble des données recueillies en 2016. La quête de particules supersymétriques sensibles à la force électrofaible dans des états finaux à plusieurs leptons a porté, pour la première fois, sur des masses supérieures à 1 TeV.  Les recherches d’objets exotiques ont également apporté de nouvelles limites strictes à plusieurs scénarios, y compris en ce qui concerne la matière noire, les nouveaux types de quarks, les bosons vecteurs et les gravitons.

LHCb

La collaboration LHCb a présenté plusieurs nouveaux résultats importants. En plus d’une nouvelle mesure de la désintégration la plus rare jamais observée d’une particule contenant un quark b et de l’observation exceptionnelle d’un nouveau système de cinq particules en une seule analyse, la collaboration a présenté, en utilisant l’ensemble des données de la première exploitation, la mesure unique la plus précise de la phase de violation de CP φ; celle-ci définit l’échelle de la différence entre les propriétés de la matière et de l’antimatière pour les particules formées de quarks b et s, appelés mésons Bs.

En outre, les résultats d’une étude sans précédent ont été dévoilés pour la première fois : des collisions entre des protons et des noyaux d’hélium injectés à proximité des points d’interaction ont été utilisées pour mesurer le taux de production des antiprotons, ce qui fournit des informations importantes pour la recherche de signaux provenant de la matière noire dans l’espace.

ALICE

La collaboration ALICE a présenté des résultats récents issus de grandes quantités de collisions proton-proton (p-p), plomb-plomb (Pb-Pb) et proton-plomb (p-Pb), enregistrées en 2015 et 2016. L’un des nouveaux résultats concerne l’asymétrie azimutale de la production de mésons J/psi : les résultats montrent, de façon concluante, que les quarks lourds « sentent » directement la forme et la taille de la région d’interaction des collisions noyau-noyau où se forme un milieu de plasma quarks-gluons asymétrique – composé principalement de quarks légers et de gluons.

ALICE a aussi présenté des résultats sur les distributions azimutales des pions, des kaons, des protons et des mésons phi dans les collisions Pb-Pb, grâce auxquels l’expérience a pu déterminer la pression et la densité à l’intérieur du plasma quarks-gluons. En outre, plusieurs résultats ont été présentés sur la dépendance à la multiplicité de la production de particules ; ils montrent que certains des effets attribués à la formation du plasma quarks-gluons dans les collisions Pb-Pb sont également observés dans les collisions p-p de haute multiplicité. Il s’agit là d’un indice prometteur selon lequel le plasma quarks-gluons pourrait même, occasionnellement, être produit lors de collisions de protons.