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La physique dans les profondeurs du cerveau

Des méthodes issues de la physique théorique permettent d'explorer les circuits du cerveau

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Particle physics on the brain

Image TEP d'un cerveau humain montrant la consommation d'énergie. Le cerveau humain consomme sept fois moins d'énergie qu'un ordinateur portable classique, mais peut effectuer des tâches bien plus complexes. (Crédit image : Jens Maus, Wikimedia Commons)

Découvrir les constituants fondamentaux de l’Univers est une tâche ardue. Comprendre le cerveau humain, c'est encore plus compliqué. Chaque millimètre cube de cerveau humain contient environ 4 km de « fils » neuronaux qui transportent des signaux électriques de l'ordre du millivolt et relient un très grand nombre de cellules, définissant ce que nous sommes et ce que nous faisons. Du temps de l'Égypte antique, on savait déjà que les différentes parties du cerveau commandent différentes fonctions physiques. Il y a deux siècles, des médecins amusaient les foules en faisant passer du courant dans des cadavres pour leur donner un semblant de vie. Mais ce n'est que récemment que des spécialistes des neurosciences ont pu explorer les profondeurs des circuits du cerveau.

Le 25 janvier, devant un auditoire nombreux au département Théorie du CERN, Vijay Balasubramanian, de l'Université de Pennsylvanie, a décrit une méthode d'exploration du cerveau s'appuyant sur la physique. Vijay Balasubramanian a obtenu son doctorat en physique des particules théorique à l'Université de Princeton, et a également travaillé à l'expérience UA1 au Supersynchrotron à protons du CERN dans les années 1980. Aujourd'hui, il travaille dans des domaines comme la théorie des cordes ou la biophysique théorique, où il applique des méthodes communes en physique pour modéliser la topographie neurale du traitement de l'information dans le cerveau.

« Nous utilisons autant que possible, les mathématiques pour faire des prédictions réelles, quantifiées, vérifiables, ce qui est inhabituel en biologie ». - Vijay Balasubramanian

L'architecture de base du cerveau est relativement bien comprise. Des tâches sensorielles et cognitives extrêmement complexes sont effectuées par l'action conjointe de nombreux neurones et circuits spécialisés, dont chacun assume une fonction étonnamment simple. Vijay Balasubramanian prend des exemples tels que l'odorat, qui permet aux humains et aux autres animaux de distinguer une grande diversité de mélanges d'odeurs au moyen de ressources neurales très limitées, et le sens de « localisation » (grâce auquel nous nous représentons mentalement notre position dans l'espace) pour démontrer que le cerveau a évolué pour produire des circuits neuraux fonctionnant selon des principes mathématiques complexes, dont certains viennent d'être découverts.

Certaines prédictions utilisant des modèles assez grossiers semblent décrire les circuits du cerveau de façon assez satisfaisante, et ces descriptions vont souvent à l'encontre des idées reçues. En général, les calculs de Vijay Balasubramanian montrent que les animaux ont évolué de façon à optimiser le rendement cognitif à partir du plus petit nombre de neurones possible. « Les neurones nous coûtent cher ! » fait-il remarquer, soulignant que le cerveau ne représente que deux pour cent de notre masse corporelle mais 20 pour cent de notre charge métabolique. Le cerveau consomme à peine 12 W, sept fois moins qu'un ordinateur portable courant, et pourtant il a une puissance de calcul bien supérieure, qui s'applique à des tâches beaucoup plus subtiles. « Le cerveau nous fait tomber amoureux, là où l'ordinateur peine à reconnaître un visage », explique-t-il.

Cependant, Vijay Balasubramanian pense que les humains surestiment leurs capacités cognitives : nous ne sommes pas si extraordinaires que ça finalement. Il fait observer que la plus grande part du comportement de notre cerveau vient de connexions primaires qu'on retrouve chez tous les vertébrés. Même si une compréhension quantitative de concepts élevés tels que « la pensée » ou « la conscience » est loin d'être acquise, il semble que les physiciens aient encore beaucoup à découvrir dans le monde en effervescence des neurosciences.

Vous pouvez regarder la conférence de Vijay Balasubramanian (en anglais) ici.