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Dernières nouvelles du LHC : c’est au tour des ions lourds

Les premières collisions de noyaux de plomb ont inauguré une nouvelle campagne avec des ions lourds au LHC

Image d'une collision entre deux ions de plomb dans le détecteur ALICE

Des gerbes de particules envahissant le détecteur ALICE à l’occasion des premières collisions entre des ions de plomb de 2018 (Image : ALICE/CERN)

Le 8 novembre à 21h19, les quatre expériences du LHC ont enregistré les premières collisions entre des noyaux d’atomes de plomb depuis 2015. Pendant trois semaines et demie, le LHC va faire se percuter ces noyaux formés de 208 protons et neutrons, à une énergie de 5 TeV dans le centre de masse par collision de paires de nucléons. Il s’agit de la quatrième exploitation de ce type depuis le démarrage du collisionneur. Le LHC a également réalisé des exploitations avec des collisions entre des ions plomb et des protons.

Les collisions de noyaux de plomb permettent aux scientifiques d’étudier des phénomènes spécifiques comme le plasma quark-gluon. Les exploitations avec les noyaux de plomb ont déjà donné de vastes quantités de données sur les propriétés du plasma quark-gluon. De nombreux autres phénomènes ont également été dévoilés grâce à ces collisions, notamment la diffusion lumière-lumière.

Pour cette exploitation de 2018, l’équipe du LHC entend relever plusieurs défis. « Nous voulons pousser la luminosité au maximum pour générer le plus de données possibles et préparer les exploitations futures, notamment celles du LHC à haute luminosité », explique John Jowett, physicien des accélérateurs responsable de l’exploitation du LHC avec des ions lourds. Lors de la dernière campagne de ce type, en 2015, une luminosité plus de trois fois et demie supérieure à la valeur nominale du LHC avait été atteinte. « Notre objectif est d'atteindre une valeur encore supérieure », indique John Jowett.

Une nouvelle configuration de l’optique et un nouveau réglage des aimants ont ainsi été mis en œuvre pour réduire le paramètre β* dans les expériences (50 cm pour ALICE, ATLAS et CMS et 1,5 mètre pour LHCb). Ce paramètre donne une indication de la focalisation des faisceaux au point de collision : plus il est petit, plus les faisceaux sont comprimés et la probabilité d’interaction grande. Dans un deuxième temps, l’intervalle de temps entre les paquets de noyaux devrait être réduit de 100 à 75 nanosecondes, ce qui permettra d’augmenter le nombre de paquets circulant dans l’accélérateur. Les experts des accélérateurs travaillent depuis plusieurs mois à la mise en place de cette exploitation. De nombreuses analyses et mesures ont été réalisées pour augmenter les performances des injecteurs (Linac3, LEIR, PS et SPS).

Lundi 29 octobre, néanmoins, la source d’ions plomb a connu une panne dont l’origine a été identifiée le lendemain : l’une des cinq bobines solénoïdes ne fonctionnait plus. Des physiciens et techniciens ont donc démonté la source pour remplacer la bobine défaillante : un travail complexe, nécessitant le démontage complet de l’équipement, et mené en l’espace de trois jours seulement. Vendredi 2 novembre, la source était prête à être remise en service. Le samedi, un premier faisceau était envoyé au LEIR, et, le lendemain, les ions plomb atteignaient le PS, puis le SPS, avant d’être extraits vers les lignes de transfert vers le LHC. Malgré cette remise en route spectaculaire, quelques jours furent nécessaires pour reconditionner la source et atteindre les caractéristiques de faisceau requises (intensité et stabilité).

Parallèlement, et pour ne pas perdre de temps, les spécialistes de la physique des accélérateurs et les opérateurs mettaient en place la nouvelle configuration du LHC en utilisant des faisceaux de protons. « Même si nous avions soigneusement planifié ces étapes, nous avons dû réaliser des réglages de dernière minute. Nous nous sommes également adaptés au problème de défaillance de la source d’ions en réalisant le plus d’étapes possibles de mise en service avec des protons », explique John Jowett.

Les premiers noyaux de plomb ont circulé dans le LHC le lundi 5 novembre. Le système d’accélération radiofréquence a été ajusté pour permettre la capture des faisceaux : les particules injectées dans l’anneau sont ainsi synchronisées avec les champs accélérateurs afin que le faisceau reste stable. Les fréquences RF sont ensuite synchronisées avec les champs magnétiques des aimants pour permettre d’accélérer le faisceau tout en le maintenant sur l’orbite. Les opérateurs ont ensuite procédé aux cartographies de pertes de faisceaux, plus complexes que celles des protons, afin de régler l’ouverture des collimateurs pour protéger la machine. Avec la nouvelle optique, les collimateurs ont été resserrés autour des faisceaux et des ajustements ont dû être trouvés pour protéger la machine en différents points.

Des collisions tests ont été menées le 6 novembre. Après plusieurs jours d’intenses préparations pour parvenir à une haute luminosité au cours des trois semaines et demie d’exploitation, les premiers faisceaux stables pour les collisions ont été déclarés à 21h19 le jeudi 8 novembre. L’intensité des faisceaux et la luminosité intégrée ont rapidement augmenté, passant de 64 paquets par faisceau le premier jour à 260 paquets par faisceau le deuxième jour et 648 paquets par faisceau le lundi 12 novembre. La taille du faisceau au point d'interaction de l'expérience ALICE est plus importante que prévu mais des mesures ont été prises pour atténuer ce problème tandis que des investigations sont en cours.

L’exploitation avec les noyaux de plomb se poursuivra jusqu’au 3 décembre à 6 heures du matin, heure à laquelle les faisceaux seront stoppés. Une semaine de tests d’entraînement des aimants du LHC pour un fonctionnement à 14 TeV d’énergie de collision entre les protons est alors prévue. Le second long arrêt technique débutera le 10 décembre.

 

Visualisation de l'optique du faisceau au point 2 du LHC avec des ions de plomb
Reproduction par ordinateur de l’optique de faisceau dans l’expérience ALICE ; la nouvelle optique utilisée avec les ions lourds focalise le faisceau plus fortement que jamais (ß*=0,5 m). L’image montre les deux faisceaux à l’intérieur des tubes à vide, sur une distance de 70 m de chaque côté du point de collision, situé au cœur du détecteur ALICE. Les paquets du faisceau 1 se déplacent de gauche à droite, à l’intérieur de l’enveloppe bleue (qui montre les modifications de l’orbite et de la dimension transverse du faisceau sous l’effet des aimants de courbure et de focalisation du LHC). Les paquets du faisceau 2 se déplacent de droite à gauche, à l’intérieur de l’enveloppe rose, et ils rencontrent les paquets du faisceau 1 au point de collision ; les faisceaux y sont fortement focalisés, en un point minuscule, afin de maximiser la luminosité. (Image: John Jowett/CERN)