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Nouvelle du LS2 : dissiper les nuages d’électrons

Deux équipes traitent les chambres à vide d’aimants sélectionnés du SPS pour limiter le phénomène de nuages d’électrons qui perturbent les faisceaux

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Carbon coating of the SPS magnets vacuum chambers during LS2
Une unité de traitement mobile effectue le dépôt de carbone sur les chambres à vide des aimants directement dans le tunnel. Elle comprend une cathode en graphite (la structure noire sur la photo) qui est insérée dans le tube de faisceau (Image: Julien Ordan)

Chasser les nuages dans les accélérateurs est l’un des grands défis des équipes du vide. Les nuages en question sont des nuages d’électrons, qui perturbent les faisceaux. Ces électrons sont générés lorsque les faisceaux ionisent les molécules résiduelles dans la chambre à vide. Les électrons sont accélérés, frappent la surface du tube et arrachent d’autres électrons. Par un phénomène « d’avalanche », les électrons se multiplient et forment les redoutés nuages d’électrons. Avec des faisceaux de haute intensité, ces nuages peuvent sérieusement dégrader la qualité du faisceau de protons. Le problème devient donc crucial avec l’exploitation du LHC à haute luminosité qui requerra des faisceaux deux fois plus intenses.

Le groupe Vide, surfaces et couches minces a développé depuis 2007 une solution qui consiste à déposer sur la paroi interne des chambres à vide une fine couche de carbone amorphe. Quand il est frappé par des électrons, le carbone amorphe émet bien moins d'électrons secondaires que la surface métallique des chambres à vide. Déployé sur seize aimants du SPS pendant le premier long arrêt technique, puis sur des aimants supplémentaires pendant les arrêts techniques de fin d’année, le revêtement en carbone amorphe a prouvé son efficacité.

Dans le cadre du projet d’amélioration des injecteurs du LHC (LIU), cette technique innovante est mise en place sur tous les aimants quadripôles de focalisation et les sections droites courtes (formées d’aimants correcteurs et d'instrumentation faisceau) du SPS. « Les aimants qui devaient être traités en priorité ont été identifiés afin de parvenir au meilleur compromis entre l’efficacité et le coût de l’opération », explique Wil Vollenberg, responsable du projet de revêtement en carbone amorphe pour le SPS. Au total, les chambres à vide de 99 aimants quadripôles et autant de sections droites courtes vont recevoir un dépôt de carbone amorphe.

Une unité de traitement mobile a par ailleurs été développée afin d’effectuer le dépôt directement dans le tunnel du SPS et de réduire la manutention des lourds éléments que sont les aimants. Une cathode, longue trame en graphite (composé d’atomes de carbone), est introduite dans la chambre à vide. L’air de la chambre est pompé et de l’argon très pur y est injecté. Une tension de 900 volts est appliquée pour ioniser les atomes d’argon. Les ions d’argon sont accélérés vers la cathode en graphite et, en la frappant, arrachent des atomes de carbone qui sont projetés sur les parois de la chambre à vide. La cathode est montée sur un ingénieux système mobile motorisé afin d’effectuer des mouvements avant-arrière pour obtenir un dépôt uniforme de 400 nanomètres d’épaisseur.

Ce système de dépôt mobile a été développé et testé pour la première fois en 2016 et amélioré depuis. Depuis le début du long arrêt technique, une équipe de trois personnes progresse dans le tunnel du SPS pour traiter la moitié des aimants quadripôles. Mais pour accéder aux chambres à vide de ces aimants, les éléments situés à côté doivent être extraits. C’est pourquoi les sections droites courtes, adjacentes aux quadripôles, mais moins imposantes que ces derniers, sont extraites et traitées en surface. Par ailleurs, des morceaux de chambres à vide sont remplacés par des tronçons traités : c’est le cas de certaines chambres comme celles au voisinage du système d’arrêt de faisceau qui est en cours de remplacement.

Des équipes de manutention qui déplacent les aimants aux géomètres qui les positionnent au dixième de millimètre près, en passant par les électriciens, les experts en contrôle qualité par analyse de surface et les spécialistes du vide et des aimants, de nombreuses équipes sont à pied d’œuvre et doivent intervenir selon une séquence précise. « Il faut quatre jours pour traiter chaque aimant, mais de nombreuses opérations sont nécessaires avant et après, rendant la logistique compliqué », indique Wil Vollenberg qui orchestre les opérations.

En souterrain, les équipes ont déjà parcouru la moitié du chemin, travaillant de concert avec leurs collègues en surface. Une nouvelle campagne est prévue pendant le troisième long arrêt technique, dans le SPS mais également dans le LHC. Ainsi, l'avenir sera moins nuageux pour les deux grands accélérateurs du CERN.

D'autres photos sont disponibles sur CDS.