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La stratégie européenne pour la physique des particules est mise à jour

Le Conseil du CERN a annoncé aujourd'hui avoir mis à jour la stratégie qui guidera l'avenir de la physique des particules en Europe

European Strategy for Particle Physics Update
(Image: CERN)

Après pratiquement deux ans de discussions et de délibérations, le Conseil du CERN a annoncé aujourd'hui qu'il a mis à jour la stratégie qui guidera l'avenir de la physique des particules en Europe dans le contexte mondial de la discipline. Présentées lors de la réunion du Conseil en formation publique, tenue sous forme de visioconférence en raison de la pandémie actuelle de COVID-19, les recommandations énoncées mettent en évidence l'impact scientifique de la physique des particules, ainsi que son capital technologique, sociétal et humain.

Grâce à des énergies toujours plus grandes qui lui permette d’explorer des échelles de distance toujours plus petites, la communauté de la physique des particules a réalisé des découvertes qui ont profondément changé notre connaissance scientifique du monde qui nous entoure. Néanmoins, nombre des mystères concernant l’Univers, comme la nature de la matière noire et la prédominance de la matière sur l’antimatière, restent à élucider. La mise à jour 2020 de la stratégie européenne pour la physique des particules propose une perspective à court et à long termes de la discipline, maintenant l'Europe à l’avant-garde des recherches sur les questions en suspens de la physique des particules, ainsi que des innovations technologiques développées dans le domaine.

Les priorités scientifiques les plus élevées définies dans cette mise à jour sont l'étude du boson de Higgs particule unique en son genre qui soulève des questions profondes sur les lois fondamentales de la nature et l'exploration de la physique à la frontière des hautes énergies. Il s’agit là de deux voies cruciales et complémentaires pour tenter d'élucider les questions encore irrésolues de la physique des particules.

« La stratégie est avant tout guidée par la science et présente ainsi les priorités scientifiques de la discipline, a déclaré Ursula Bassler, présidente du Conseil du CERN. Le Groupe sur la stratégie européenne (ESG) – organe spécialement mis en place par le Conseil – a conduit avec succès une réflexion stratégique à laquelle ont contribué plusieurs centaines de scientifiques européens. » La vision scientifique présentée dans la stratégie doit servir de guide au CERN et faciliter la définition d'une politique scientifique cohérente à l'échelle européenne.

Mener à bien, au cours de la décennie à venir, la transformation du LHC en machine de haute luminosité, dont les travaux sont en cours au CERN, devrait rester l’axe central de la physique des particules en Europe. La stratégie souligne l'importance d'intensifier les activités de recherche et développement (R&D) sur des technologies d'accélérateur, de détecteur et informatiques de pointe, en tant que condition préalable à tout futur projet. Pour mener à bien le programme de recherche à court et long termes envisagé dans cette stratégie mise à jour, il est nécessaire de réaliser des activités de R&D ciblée et propice à des changements en profondeur, présentant également de nombreux bénéfices potentiels pour la société.

Le document souligne également la nécessité de réaliser un collisionneur électron-positon fonctionnant comme « usine à Higgs » en tant qu'installation prioritaire après le Grand collisionneur de hadrons (LHC). Découvert en 2012 au CERN par des scientifiques travaillant sur le LHC, le boson de Higgs promet d'être un outil puissant pour rechercher une physique au-delà du Modèle standard. Le collisionneur électron-positon produirait une grande quantité de bosons de Higgs dans un environnement très limpide, amènerait des progrès considérables dans la cartographie des diverses interactions du boson de Higgs avec d’autres particules et constituerait une part essentielle d’un riche programme de recherche, permettant des mesures d'une extrême précision. L'exploitation au CERN de ce futur collisionneur pourrait commencer dans un délai inférieur à dix ans, après la pleine exploitation du LHC à haute luminosité, qui devrait cesser de fonctionner en 2038.

Grâce à l’exploration d’énergies nettement plus élevées que celles du LHC, de nouvelles découvertes pourront être faites, et des mystères qui demeurent aujourd’hui, comme celui de la nature de la matière noire, pourraient potentiellement être élucidés. La communauté de la physique des particules étant prête à franchir la prochaine étape qui la conduira à des énergies encore plus élevées et à des échelles encore plus petites, la stratégie énonce une autre recommandation importante, selon laquelle l'Europe, en collaboration avec la communauté mondiale, devrait entreprendre une étude de faisabilité technique et financière d'un collisionneur de hadrons de prochaine génération à la plus haute énergie atteignable, avec un collisionneur électron-positon comme première étape possible.

Il est en outre recommandé que l'Europe continue de soutenir des projets de recherche sur les neutrinos au Japon et aux États-Unis. La coopération avec les disciplines voisines, telles que la physique des astroparticules et la physique nucléaire, est également importante, de même que la poursuite de la collaboration avec les pays non européens.

« Il s'agit d'une stratégie très ambitieuse, qui esquisse un avenir brillant pour l'Europe et le CERN selon une approche prudente et progressive. Nous continuerons à investir dans de vigoureux programmes de coopération entre le CERN et d'autres instituts de recherche situés dans les États membres et au-delà, a déclaré la Directrice générale du CERN, Fabiola Gianotti. Ces collaborations sont essentielles à la réalisation de progrès scientifiques et technologiques durables, et génèrent de nombreuses retombées positives pour la société. »

« La prochaine étape sera évidemment d'étudier la faisabilité des recommandations prioritaires, tout en continuant de mener à bien un programme diversifié de projets susceptibles d'avoir de fortes retombées, a expliqué la Présidente du Groupe sur la stratégie européenne, Halina Abramowicz. L'Europe doit rester disposée à participer à d'autres projets phares qui seront bénéfiques à la discipline dans son ensemble, tels que le projet de Collisionneur linéaire international. »

Au-delà d'un retour scientifique immédiat, les grandes infrastructures de recherche comme le CERN ont un large impact sur la société grâce à leur capital technologique, économique et humain. Les avancées réalisées en matière d'accélérateurs, de détecteurs et d'informatique ont en effet des répercussions importantes dans des domaines tels que les technologies médicales et biomédicales, les applications aérospatiales, le patrimoine culturel, l'intelligence artificielle, l'énergie, les données massives et la robotique. Les partenariats noués avec de grandes infrastructures de recherche contribuent à stimuler l'innovation dans l'industrie. Du point de vue du capital humain, la formation de scientifiques, d'ingénieurs, de techniciens et de professionnels en début de carrière permet de constituer un vivier de talents pour l'industrie et d'autres secteurs.

La stratégie met également l'accent sur deux autres aspects essentiels : l'environnement et l'importance de la science ouverte. « L’impact environnemental des activités de physique des particules devra continuer d'être étudié de près, et d'être limité autant que possible. Un plan détaillé visant à limiter le plus possible l’impact environnemental et à économiser et réutiliser l'énergie devra faire partie du processus d'approbation de tout projet important », indique l'une des prises de position de la stratégie. Les technologies mises au point en physique des particules dans le but de limiter le plus possible l'impact environnemental des futures installations peuvent également trouver des applications plus générales dans le domaine de la protection de l'environnement.

La mise à jour de la stratégie européenne pour la physique des particules annoncée aujourd'hui a été lancée en septembre 2018, lorsque le Conseil du CERN, composé de représentants des États membres et des États membres associés, a mis sur pied le Groupe sur la stratégie européenne (ESG), chargé de coordonner le processus. Le Groupe sur la stratégie européenne a travaillé en étroite consultation avec la communauté scientifique. Près de deux cents contributions ont été examinées durant le Symposium public de Grenade en mai 2019, et compilées dans le Cahier d'information sur la physique, résumé scientifique des contributions de la communauté, établi par le Groupe préparatoire sur la physique. Le Groupe sur la stratégie européenne est parvenu à une convergence sur les recommandations finales à formuler lors d'une session de rédaction qui s'est déroulée sur une semaine en janvier 2020, en Allemagne. Les résultats de ce travail, présentés au Conseil du CERN en mars, devaient initialement être annoncés le 25 mai à Budapest, mais cette annonce a dû être reportée en raison de la pandémie de COVID-19. Ces résultats ont maintenant été rendus publics.

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