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Une étude CLEAR ouvre la voie à un nouveau traitement du cancer par les électrons

L’étude, menée au sein de l’installation d’essai CLEAR au CERN, met en évidence la façon dont des faisceaux d’électrons de très haute énergie peuvent être focalisés sur des tumeurs cancéreuses profondes

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CLEAR accelerator upgrade
L'installation CLEAR du CERN, sur laquelle des tests sur des faisceaux d'électrons de très haute énergie ont été réalisés. (Image: CERN)

Il existe des tumeurs cancéreuses que ni la chirurgie, ni la chimiothérapie ou la radiothérapie conventionnelle ne peuvent traiter. Ces tumeurs résistantes contribuent à faire du cancer l'une des principales causes de mortalité dans le monde, mais la communauté scientifique multiplie les efforts pour rendre cette maladie moins meurtrière. Parmi les innovations médicales et technologiques les plus récentes, les progrès de la thérapie par les particules, processus consistant à irradier des tumeurs à l’aide de faisceaux de particules hautement énergétiques générés par un accélérateur de particules, permettent de traiter des tumeurs qui auraient sans cela été fatales.

Plus de 10 000 petits accélérateurs linéaires d’électrons (linacs) sont actuellement utilisés dans le monde pour le traitement du cancer. Dans la plupart des cas, le dispositif fait appel à des faisceaux de photons produits au moyen d’électrons qui viennent irradier leur cible, mais certaines machines utilisent le faisceau d’électrons lui-même pour une irradiation directe par électrons de basse énergie, même si cette méthode ne permet d’atteindre que les tumeurs superficielles. Ces procédés sont à distinguer de l’hadronthérapie, technique basée sur l’irradiation au moyen de faisceaux de protons ou d’ions lourds.

L’hadronthérapie et le traitement par électrons à basse énergie peuvent éventuellement être complétés par l’utilisation de faisceaux d’électrons de haute énergie dans la gamme d'énergies située entre 50 et 200 MeV, capables de pénétrer profondément dans les tissus. Cette technique est toutefois rarement utilisée en raison de son coût plus élevé et de la taille de l’accélérateur nécessaire pour produire les faisceaux, en comparaison avec les installations à photons. En outre, le profil de pénétration est moins bien défini que celui obtenu avec des faisceaux de hadrons. Les récents développements en matière d’accélération à gradient élevé destinée aux accélérateurs linéaires compacts, essentiellement dus à l’étude CLIC au CERN, ont commencé à faire évoluer les choses.

L’utilisation de faisceaux d’électrons de haute énergie franchit désormais une nouvelle étape. Deux études, auxquelles ont participé les universités de Strathclyde et de Manchester, ont été menées auprès de CLEAR (CERN Linear Electron Accelerator for Research - accélérateur linéaire d’électrons pour la recherche du CERN), installation d’essai permettant de soutenir les travaux de recherche et de développement dans le domaine de la technologie des accélérateurs. Les scientifiques ont testé une nouvelle technique d’irradiation au moyen de faisceaux d’électrons de très haute énergie (VHEE - very high-energy electron) qui se concentrent sur un plus petit point afin d’obtenir une intensité de faisceau plus élevée. En focalisant un faisceau d’électrons de très haute énergie à l’aide d’une lentille électromagnétique à grande ouverture, ils ont constaté que les particules pouvaient pénétrer à plusieurs centimètres de profondeur dans un fantôme d’eau (grand récipient rempli d’eau utilisé dans les études sur le rayonnement) sans diffusion significative – c’est-à-dire que le faisceau reste focalisé sur un volume bien défini et ciblé. Un tel faisceau pourrait donc théoriquement être utilisé pour traiter des cellules cancéreuses profondes tout en limitant les dommages causés aux tissus environnants.

Cette nouvelle est prometteuse, et ce pour plusieurs raisons : les faisceaux d’électrons de très haute énergie produits par des linacs compacts dans des environnements cliniques constitueraient non seulement une option plus efficace que les autres thérapies par faisceau de particules, mais aussi un instrument extrêmement fiable, car leur diffusion dans les tissus non homogènes est limitée. Ces caractéristiques permettraient d’élargir considérablement la catégorie de patients pouvant bénéficier du traitement par électrons. En outre, les faisceaux d’électrons de très haute énergie seraient compatibles avec la radiothérapie FLASH, technique permettant d’administrer des particules hautement énergétiques sur les tissus presque instantanément (en moins d’une seconde). Le CERN et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) ont récemment collaboré afin de construire une installation clinique à haute énergie pour la thérapie FLASH ; les tests préliminaires seront effectués au sein de l’installation CLEAR.

Le faisceau ultra-focalisé d’électrons de très haute énergie est le fruit des avancées de la technologie d’accélération linéaire réalisées dans le cadre de l’étude CLIC au CERN ; il montre la pertinence de ce domaine de recherche, non seulement pour la physique des particules, mais aussi pour la société dans son ensemble. Même si on n’en est pas encore aux applications pratiques de ces faisceaux dans un environnement clinique, les résultats obtenus par CLEAR contribuent à élargir le champ des possibilités pour le traitement du cancer.