Comme chaque année, TEDxCERN a apporté une forte dose d'inspiration et soulevé une multitude de questions concernant la science, la technologie et le futur de l'espèce humaine. Le thème « The Elephant in the room », expression anglaise qualifiant un problème manifeste qui est ignoré, a été matérialisé à travers un programme soigneusement établi mettant en avant des questions brûlantes et de possibles manières d’y répondre. Sans jamais esquiver les sujets controversés et la question des risques associés, la conférence a souligné la nécessité de concevoir et de réglementer les technologies de façon avisée plutôt que de craindre le progrès.
La première partie portait sur la question « Allons-nous causer notre perte ? » et comprenait plusieurs présentations sur des problématiques propres à l'ère du numérique. Sinan Aral a ouvert le bal en abordant les effets politiques, économiques et sanitaires des médias sociaux sur la société. Il a abordé plusieurs questions sur les « fausses informations » et sur notre manière de consommer l'information. « Qui, dans la société, a la légitimité de décréter qu'une information est vraie ou fausse ? Et qui vérifie les conclusions de ces vérificateurs de l'information ? » s'est-il interrogé. Un peu plus tard, les réalisateurs de documentaires Hans Block et Moritz Riesenwieck ont présenté leur contre-enquête sur la modération des contenus et ses implications morales. Shermin Voshmgir, spécialiste des chaînes de blocs et directrice de l'Institut de recherche pour la cryptoéconomie de l'Université économique de Vienne, a ensuite montré comment les cryptomonnaies révolutionnent le monde du numérique. Puis cela a été le tour de Maja Pantic, qui a présenté un aperçu de l'intelligence artificielle émotionnelle ainsi que des promesses et des risques liés à l'apprentissage automatique. Joanna J. Bryson a clôturé la première partie avec une analyse du point de vue psychologique de l'intelligence artificielle et de sa proximité étroite avec l'esprit humain. La première partie s'est achevée avec la vidéo Poetic AI, expérience numérique immersive créée par le studio Ouchhh avec des données issues de l'intelligence artificielle.
La deuxième partie, qui avait pour thème « Allons-nous nous recréer ? » a été ouverte par Janice Chen, biologiste venant de l'Université de Californie de Berkeley et pionnière de la technologie CRISPR. Janice Chen a dépeint un futur dans lequel CRISPR, une technologie d’édition génétique, permettrait de détecter des maladies et peut-être même de prévenir des épidémies. L'intervenante suivante, Sanushka Naidoo, a évoqué le potentiel des nouveaux outils de la biotechnologie pour gérer les réponses des plantes face aux insectes nuisibles et aux agents pathogènes, et les perspectives possibles pour l'avenir de la production alimentaire mondiale et la durabilité. « La modification génétique est une biotechnologie qui peut bénéficier aux personnes souffrant de la faim et de la pauvreté, mais qui n'est pas accessible en raison de règlementations fondées sur la peur et l'ignorance », a-t-elle avancé. Les sujets de l'anthropocène et de l'avenir de la Terre étaient également au cœur de cette partie. Elena Bennett, spécialiste de l'écologie systémique, a apporté des exemples positifs de la manière dont les humains peuvent appliquer le principe du développement durable en favorisant un comportement conscient envers l'environnement. « Il est temps pour nous de commencer à imaginer à un avenir radicalement différent et capable de nous inspirer », a-t-elle affirmé.
Dawn Gelino, astrophysicienne à la NASA, a évoqué les défis de la recherche sur les exoplanètes. « Il y a plus d'étoiles dans notre petite galaxie que de grains de sables sur toutes nos plages. Nous sommes petits et insignifiants, dans un Univers vaste » a t-elle dit dans son fascinant exposé sur l'exploration spatiale. Juan Enriquez, orateur TED renommé et spécialiste des sciences de la vie, a abordé certains des mystères de la biologie et de la génétique contemporaines. « La nouvelle biologie est proactive. Plutôt que de chercher, nous créons. Qu'est-ce que nous fabriquons ? C’est simple, les formes de vie programmées vont changer le monde », a-t-il déclaré, ajoutant que « dans seulement une ou deux décennies, nous serons peut-être capables de créer des formes de vie à partir de zéro. »
Pour ajouter au charme futuriste de la conférence, Kevin Ramseier, Thomas Köppel et François Moncarey, du CENC (Centre d'expression numérique et corporelle), se sont lancés dans un superbe jeu basé sur des outils numériques et les lois de la physique, et ont créé une performance de dance vidéo dans laquelle les danseurs contrôlent les images et les sons et les transforment en fréquences, oscillations et vibrations.
En conclusion, l'édition de 2018 de TEDxCERN a sans conteste été un succès, et a attiré un public sans précédent : plus de 900 personnes étaient présentes dans la salle, et près de 3 000 ont visionné la conférence en ligne, depuis 32 endroits dans le monde.
« TEDxCERN est une excellente occasion de faire connaître les dernières avancées scientifiques au public et d'impliquer ce dernier, que ces avancées soient réalisées au CERN ou qu’elles concernent d’autres domaines. Nous sommes très heureux de voir le CERN endosser un rôle de leader en s'emparant de sujets brûlants, en encourageant ces discussions et en s'en faisant le médiateur. Cela correspond parfaitement à la mission de l'Organisation, qui est aussi d'être une voix pour la recherche fondamentale et ses effets sur la société. » - Ana Godinho, chef du groupe Éducation, communication et activités grand public.
Les enregistrements vidéo de chacune des conférences seront mis en ligne dans les prochaines semaines. En attendant, vous pouvez revivre la conférence en photos ici.