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Un détecteur du CERN pourrait contribuer à améliorer la radiothérapie des tumeurs cérébrales

Les scientifiques testent un nouvel appareil afin de cibler de manière plus précise les cellules cancéreuses lors de radiothérapies par ions de tumeurs de la tête et du cou. L’appareil utilise Timepix3, un détecteur de particules mis au point au CERN

two scientists in a medical examination room with a patient
Mária Martisikova (à gauche), chef de projet à l’hôpital universitaire de Heidelberg et au Centre allemand de recherche sur le cancer (Deutsches Krebsforschungszentrum – DKFZ), et Laurent Kelleter, chercheur au DKFZ. (Image : Hôpital universitaire de Heidelberg / H. Schroeder).

Les détecteurs de particules, tels que ceux utilisés par les physiciens du CERN, peuvent avoir de multiples applications en dehors de la recherche fondamentale. Des scientifiques du Centre national allemand pour les maladies tumorales (Nationales Centrum für Tumorerkrankungen – NCT), du Centre allemand de recherche sur le cancer (Deutsches Krebsforschungszentrum – DKFZ), du Centre de thérapie par faisceau d’ions de Heidelberg (Heidelberger Ionenstrahl-Therapiezentrum – HIT) et de l’hôpital universitaire de Heidelberg testent actuellement sur leurs premiers patients un nouvel appareil d’imagerie fourni par l’entreprise tchèque ADVACAM. L’appareil, qui utilise un petit détecteur à pixels Timepix3 développé au CERN, permet de surveiller de près les tumeurs de la tête et du cou pendant une radiothérapie par ions, et donc de les cibler plus facilement, ce qui contribue à limiter les effets secondaires du traitement.

« L’irradiation par faisceaux d’ions est l’une des techniques les plus perfectionnées pour traiter les tumeurs de la tête et du cou. Elle permet d’atteindre de manière précise l’endroit de la tête où les particules devraient avoir un effet maximal – une caractéristique exceptionnelle », explique Mária Martišíková, à la tête de l’équipe du DKFZ.

L’irradiation par faisceaux d’ions, comme les autres types d’irradiation, a toutefois aussi des inconvénients. Les faisceaux de particules atteignent non seulement la tumeur mais également une partie des tissus sains qui l’entourent. Cela rend le traitement particulièrement délicat dans le cerveau, où le nerf optique ou la mémoire du patient peuvent être endommagés. Idéalement, la zone irradiée autour de la tumeur doit être la plus petite possible, et la dose délivrée à la tumeur la plus élevée possible. Actuellement, la technologie ne permet toutefois pas d’envoyer les ions de manière suffisamment précise sur leur cible.

Pour compliquer encore les choses, la situation à l’intérieur du cerveau du patient peut changer au cours du traitement. L’image obtenue par tomodensitométrie avant le traitement est essentiellement utilisée comme une « carte » pour cibler la tumeur sur laquelle envoyer les faisceaux d’ions. Au cours du traitement, la situation à l’intérieur du crâne peut toutefois évoluer. Jusqu’à présent, les médecins ne disposaient pas d’un outil fiable pour les prévenir en cas de variations dans le cerveau.

Le nouvel appareil d’ADVACAM pourrait changer la donne en améliorant la trajectoire des faisceaux d’ions à l’intérieur de la tête grâce au suivi des particules secondaires créées lorsque les ions la traversent.

« Nos caméras peuvent enregistrer chaque particule chargée issue d’un rayonnement secondaire émis par le corps du patient. C’est comme regarder les billes sur un billard après un coup. Si les billes rebondissent comme prévu par l’image de tomodensitométrie, cela signifie que nous ciblons la tumeur correctement. Dans le cas contraire, cela veut dire que la “carte” n’est plus valable. Il faut alors prévoir un nouveau traitement », explique Lukáš Marek d’ADVACAM.

« Nous espérons que le nouvel appareil nous montrera à quelle fréquence et où se produisent les changements tumoraux. Il nous permettra de réduire le volume total de tissu irradié, en préservant les tissus sains et en réduisant les effets secondaires de la radiothérapie. Nous pourrons également appliquer des doses plus élevées de rayons à la tumeur », ajoute Martišíková.

Les informations supplémentaires obtenues grâce à la caméra peuvent être extrêmement utiles pour le traitement. Dans un premier temps, les données pourraient amener à interrompre et prévoir une nouvelle série d’irradiations, si nécessaire. À terme, l’objectif est de disposer d’un système capable de corriger en temps réel la trajectoire du faisceau d’ions.

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La puce Timepix3 développée au CERN est utilisée dans le nouvel appareil d’imagerie d’ADVACAM. (Image : CERN)

Cet appareil est un exemple réussi de transfert de connaissances, qui montre comment une technologie initialement développée pour des détecteurs utilisés pour la recherche en physique fondamentale peut être appliquée en médecine.

« Lorsque nous avons commencé à développer des détecteurs à pixels pour le LHC, nous n’avions qu’un objectif en tête : détecter et photographier chaque interaction de particules, et ainsi aider les physiciens à percer les secrets de la nature à des énergies élevées. Les détecteurs Timepix3 ont été développés par les collaborations pluridisciplinaires Medipix, dont l’objectif est d’étendre la même technologie à de nouveaux domaines. C’est quelque chose que nous n’avions pas du tout imaginé au début, et cette application en est un brillant exemple », souligne Michael Campbell, porte-parole des collaborations Medipix.