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Robert Klapisch (1932–2020)

Robert Klapisch
(Image: famille Klapisch)

Robert Klapisch est parti le 21 mars 2020, plongeant tous ceux et celles qui l’ont connu et apprécié dans une grande tristesse. Nos pensées vont à sa famille, en particulier à ses trois enfants, Coline, Cédric et Marianne. 

Infatigable travailleur, Robert était passionné non seulement de physique fondamentale, couvrant la physique nucléaire et la physique des particules, mais encore prêtait-il une oreille attentive à tout développement scientifique innovant. Son credo a toujours été : le progrès par la science. Quand un objectif avait été fixé, Robert mettait toute son énergie pour l’atteindre, avec une ligne de conduite bien définie, une grande force de conviction, un discours à l'enthousiasme communicatif et une ténacité à toute épreuve. Les nombreuses facettes de sa personnalité faisaient de Robert un ami attachant et un collègue apprécié. Son histoire personnelle avait forgé son caractère : ouverture d’esprit et soutien à autrui, engagement, loyauté et joie de vivre qu’il a su si bien communiquer. Un bel exemple.

Robert est né le 26 décembre 1932 à Cachan. Il est entré au CNRS en 1956, dès sa sortie de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI). À l’Institut du radium, il se forme dans le domaine de la spectrométrie de masse et de la séparation isotopique de précision sous la direction de René Bernas, son mentor. Plus tard, Robert prend la direction du CSNSM (Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse) et en fait un centre d’excellence qui innove et produit des applications.

Avec son équipe, Robert Klapisch est un pionnier des recherches utilisant la spectroscopie de masse « en ligne », sur des faisceaux d’accélérateurs, notamment au Synchrotron à protons (PS) du CERN, puis à ISOLDE. Sur le tout nouveau séparateur d’isotope en ligne, l'équipe a également réalisé la toute première spectroscopie laser. Associée à la spectroscopie de masse, cette technique permet de réaliser des études inédites sur les noyaux exotiques fugaces. Ces travaux leur permettent de réaliser des avancées importantes dansle domaine de l’astrophysique (nucléosynthèse des éléments légers rares) et de la physique nucléaire (noyaux exotiques). Ces techniques sont toujours utilisées à ISOLDE aujourd'hui.

Robert est nommé directeur de la recherche du CERN entre 1981 et 1987, période pendant laquelle le programme de recherche du collisionneur proton-antiproton bat son plein. Un programme consacré par la découverte des bosons intermédiaires W et Z en 1983 et l'attribution du prix Nobel de physique à Carlo Rubbia et Simon van der Meer l’année suivante. Pendant son mandat, Robert donne une impulsion décisive à l’étude de l’antimatière avec l’anneau d’antiprotons LEAR. Il lance également le programme de collisions d’ions lourds relativistes qui a mené à la découverte d’un nouvel état de la matière à hautes températures, le plasma quarks-gluons.

Après son retour en France, Robert participe au groupe mené par Carlo Rubbia qui mène des recherches sur une approche novatrice de production d’énergie nucléaire et de traitement des déchets par transmutation. Récemment encore, il a encouragé des initiatives de transport de l’énergie électrique par câble supraconducteur.

En 2004, Robert fonde le cycle de conférences « Partager le Savoir » qui réunit au CERN de nombreux experts scientifiques des deux côtés de la Méditerranée. Ces conférences, dont la dernière s’est déroulée en 2019, traitent de très nombreux sujets allant de la fracture numérique à la satisfaction des besoins vitaux (eau, énergie, nourriture). Elles ont toujours rencontré un grand succès. Pour pérenniser ces actions, Robert crée en 2006 la « Fondation Partager le savoir » qu’il dirige pendant 15 ans et qui œuvre en faveur du développement durable des pays riverains de la Méditerranée et de l'Afrique par le transfert et le soutien de la connaissance scientifique. Grâce aux efforts de la Fondation et à ceux de Robert, des étudiants du Maroc et de Palestine intègrent les programmes d’étudiants techniques et de doctorants au CERN. Ces étudiants, de retour dans leurs pays, sont aujourd’hui assistants-professeurs et sont les meilleurs porte-paroles de la culture de collaboration internationale du CERN. Par ailleurs, dans l’idée de créer un lieu convivial d’échanges à SESAME, le centre international d’expérimentation avec la lumière synchrotron au Proche Orient, Robert a fortement œuvré pour que la Fondation y finance une cafétéria !

Au-delà de l’exceptionnel homme de sciences, Robert savait apprécier la vie. Il était friand de moments festifs, amateur de bonne chère et de bons vins, en particulier le vin de Bourgogne dont il était un grand connaisseur et que nombre d’entre nous ont eu le plaisir de goûter lors de discussions animées autour de sujets scientifiques, politiques ou sociétaux. Robert était un homme généreux, sa porte était toujours grande ouverte. Il était un fin connaisseur de nombreux autres domaines, littérature, peinture, théâtre ou cinéma.

La meilleure façon de lui rendre hommage sera de perpétuer ses idéaux d’humanisme et de solidarité.

Ses amis et collègues du CERN et du CNRS