L’énergie du CERN


Si la plus grande expérience scientifique du monde est gourmande en électricité, les câbles supraconducteurs permettent de limiter les dépenses

À mesure que le programme de physique du CERN a évolué et s’est étoffé, les physiciens du Laboratoire ont utilisé des accélérateurs et des détecteurs de plus en plus puissants pour étudier les particules fondamentales. Le CERN a dû innover pour s’adapter à une demande croissante en électricité. Sur une année, le Laboratoire consomme 1,3 térawatt heures d’électricité. C’est l’énergie qu’il faut pour alimenter 300 000 foyers au Royaume-Uni pendant un an. Mais les besoins en énergie varient au fil des mois, selon les saisons et les exigences des expériences.

Au plus fort de sa consommation, généralement entre mai et mi-décembre, le CERN utilise environ 200 mégawatts d'électricité, ce qui représente environ un tiers de l’énergie nécessaire pour alimenter la ville de Genève, située tout près du Laboratoire, en Suisse. C’est durant cette période de l’année que le Grand collisionneur de hadrons (LHC) fonctionne, et il utilise cette électricité pour accélérer des protons à une vitesse proche de celle de la lumière. Durant les mois d’hiver, la consommation d’électricité du CERN redescend à quelque 80 mégawatts. 

Des besoins qui ont évolué

D’où provient cette grande quantité d’électricité ? La réponse a évolué avec le temps. Lors de la création du CERN, en 1954, une sous-station électrique sur le site côté suisse suffisait pour répondre aux besoins du Laboratoire. L’électricité, fournie par une centrale électrique, entrait dans la sous-station, puis était redirigée selon les besoins, comme les voyageurs dans une gare. Avec l'extension du domaine – et du programme scientifique –, le CERN a revu sa stratégie d’alimentation en électricité.

Dans les années 1970, une ligne électrique a été installée pour relier une nouvelle sous-station située sur le site du CERN côté français à une sous-station d’interconnexion, 35 kilomètres plus à l’ouest, faisant partie du réseau européen. La sous-station française approvisionne aujourd’hui l’ensemble du CERN, alors que la sous-station suisse est conservée comme source d’alimentation de secours.

Des câbles supraconducteurs pour économiser de l’énergie

Faite de cuivre, la ligne électrique principale a un fort rendement énergétique, mais l’électricité perd une partie de son énergie lors de son transport vers les électro-aimants internes du fait de la résistance électrique et lorsque la ligne est refroidie aux très basses températures requises dans le LHC. Pour remédier à ces pertes d’énergie, les électro-aimants sont reliés à leur source d’alimentation électrique par des câbles supraconducteurs en niobium-titane (NbTi). Ces câbles peuvent conduire 100 fois le courant des câbles en cuivre traditionnels, car ils n'offrent aucune résistance lorsqu'ils sont refroidis à une température proche du zéro absolu. On évite ainsi une grande perte d’énergie lors du passage du courant dans les câbles. Pour qu’ils soient dans un état supraconducteur, les aimants du LHC sont maintenus à 1,9 K (-271,3°C), une température plus basse que celle de l’espace intersidéral, grâce à un circuit fermé d’hélium liquide.

Le câble en cuivre sur la gauche mesure 11 cm de haut, 28 cm de large et 8 cm d’épaisseur. Il peut transporter un courant de 12 500 ampères à température ambiante. Lorsqu’elle est refroidie à 1,9 K, la bobine de niobium et de titane sur la droite devient supraconductrice et peut transporter le même courant  (Image CERN)

Lorsque le courant se déplace de sa source d’approvisionnement jusqu’au LHC, il traverse un gradient de températures. De l’eau refroidit les câbles de cuivre afin de faciliter le passage de la température ambiante à la température cryogénique maintenue le long de l'accélérateur.

Aujourd’hui, le procédé de refroidissement constitue le principal facteur de coûts de la supraconductivité. L’énergie économisée grâce à l’utilisation de câbles supraconducteurs est dépensée en énergie nécessaire au refroidissement de ces câbles. Mais les scientifiques du CERN travaillent sur un moyen d'utiliser des câbles supraconducteurs sur l’ensemble du parcours, de la source jusqu'à l'aimant, afin de diminuer l'énergie requise pour refroidir les câbles.

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