La fin de l'été nous a enlevé notre dévoué collègue et ami Fabrizio, qui nous a quittés de manière inattendue et prématurée le 25 août, alors qu'il était en vacances en Sardaigne, île qu'il affectionnait tant.

Fabrizio a commencé sa carrière de physicien de recherche auprès de la collaboration ALEPH, au LEP, alors qu'il travaillait pour l'INFN, le Laboratoire national de Frascati. Il a ensuite participé à la construction du calorimètre du détecteur KLOE, auprès de l'accélérateur DAFNE, qui venait d'être construit à Frascati. Fasciné par les détecteurs de particules, il a consacré l'essentiel de sa carrière au développement de nouveaux systèmes de trajectographie, accordant une attention particulière à leurs applications dans l'industrie et la société. Il était résolument convaincu que favoriser le développement de technologies pouvant améliorer la vie des gens est l'un des rôles essentiels de la science fondamentale. En 2010, l'expérience UA9 auprès du SPS du CERN entra dans une phase d'études de pointe sur le guidage des faisceaux. Il fallait des détecteurs novateurs pour accroître le potentiel de découvertes et l'on avait cruellement besoin de spécialistes imaginatifs possédant un large éventail de compétences. Fabrizio répondit à l'appel avec enthousiasme et s'installa de manière permanente à Genève. Ses compétences, son imagination et sa compréhension approfondie des interactions entre particules au moyen de cristaux courbés, étaient à l'égal de sa volonté de poursuivre des objectifs exigeants, et l'amenèrent à proposer des détecteurs plus puissants. Son aptitude à nouer des amitiés solides et à gérer des situations conflictuelles fut très appréciée par la collaboration. Fabrizio a ensuite rejoint la section Projets spéciaux, nouvellement créée au sein du groupe Radioprotection, où il travailla sur un grand nombre de projets différents et supervisa nombre d'étudiants et de boursiers. Il contribua principalement au GEMPix, détecteur qu'il mit au point en alliant deux technologies du CERN (le triple GEM et l’ASIC Timepix). Il en eut l'idée après un atelier organisé au CNAO (le centre italien d'hadronthérapie oncologique de Padoue), en octobre 2012, durant lequel la question de l'assurance qualité de l'instrumentation pour la thérapie par faisceaux de particules fit l'objet de discussions approfondies. Très rapidement naquit l'idée d'associer ces deux technologies et de tirer parti de leurs avantages pour construire un détecteur gazeux avec une lecture hautement pixellisée afin d'obtenir une résolution spatiale supérieure, ce qui conduisit Fabrizio à concevoir et à construire les premiers prototypes GEMPix en mars 2013, lesquels furent ensuite testés auprès de la ligne de faisceau du CNAO. Ce détecteur fut une réussite et il trouva de nombreuses applications comme la mesure des traces de Fe-55 dans les déchets faiblement radioactifs au CERN. Plus tard, Fabrizio contribua au développement d'une version plus grande du dispositif en remplaçant le circuit ASIC Timepix par un fond de panier TFT (transistor à couches minces), une version appelée GEMTEQ pour la microdosimétrie. Il s'apprêtait à travailler sur le GEMPix4, version utilisant le nouveau circuit ASIC Timepix4 quand il nous a quittés. Fabrizio contribua également au RaDoM (Radon Dose Monitor), détecteur de radon capable de déterminer la dose reçue par les poumons au lieu de sa concentration dans l'air, qui a fait l'objet d'une licence accordée à une entreprise dérivée du CERN. Résolument convaincu qu'il était important que les technologies des détecteurs trouvent des applications dans la société, il consacra une partie importante de son temps à diverses initiatives en ce sens, comme le projet W-MON (waste monitoring), un réseau distribué de petits capteurs de rayonnements mis au point pour surveiller les éléments potentiellement faiblement radioactifs présents dans des conteneurs de déchets, et un dispositif de surveillance des faisceaux basé sur les technologies GEM et Timepix pour l'alignement des faisceaux au CERF (l'installation de rayonnement CERN-UE) dans la zone Nord, où sont testés les détecteurs de rayonnements et les dosimètres pour le suivi des personnels navigants. Il fut l'un des pionniers de l'utilisation de l'internet des objets au CERN et collabora étroitement avec le département IT pour le déploiement de cette technologie. Les détecteurs de neutrons rapides et thermiques basés sur les GEM qu'il a mis au point avec l'Università di Milano-Bicocca et le CNR pour la collaboration n_TOF ont été utilisés dans l'installation SPIDER – étape fondamentale vers le système de chauffage du tokamak d'ITER – ainsi que pour l'ISIS et l'ESS (sources internationales de neutrons de spallation). Fabrizio eut l'idée de développer un circuit ASIC sur mesure pour les détecteurs GEM, à savoir le GEMINI, aujourd’hui largement utilisé : il s’agit là de l’une des contributions essentielles de Fabrizio. Ses idées novatrices, telles que le MBGEM (Multi-Boron GEM detector) seront également utilisées dans de futures expériences à ISIS. Fabrizio fit profiter l'expérience n_TOF de sa vaste expérience des systèmes de détection, ce qui fut particulièrement utile aux travaux de caractérisation (énergie, profil et résolution) des faisceaux de neutrons de l'expérience. Ses outils de prédilection (Timepix Quads, Diamondpix, SiC et MBGEM) furent très utiles à la collaboration durant la mise en service de la nouvelle cible de spallation (de troisième génération), lors de la remise en route du complexe d’accélérateurs après le LS2. Par ailleurs, Fabrizio joua un rôle déterminant en qualité de co-porte-parole pour un nouveau système de détection pour les mesures de réactions induites par les neutrons conduisant à des émissions de particules chargées, au sein d'une collaboration récemment approuvée entre le CERN et l'INFN Catane.

Ses centres d'intérêt touchaient à tout le spectre de l'entreprise scientifique, de ses aspects les plus fondamentaux aux retombées technologiques pour la société et la diffusion de la connaissance auprès du public. Les sorties en bateau sur la Lac Léman et les vacances au ski, les dîners typiquement italiens et les concerts, les discussions sur le changement climatique et la manière de mieux diffuser la science nous manqueront cruellement. Nous n'oublierons jamais ses gestes de gentleman, et son sourire illuminera pour toujours nos mémoires. Nous adressons toutes nos pensées à ses trois filles adorées, Safiria, Micol et Greta, et aux autres membres de sa famille.

Bon vent Fabrizio !

Ses collègues et amis

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Les funérailles de Fabrizio se sont déroulées le 29 août à Cagliari. Fabrizio était un navigateur passionné et expérimenté et un père dévoué. C'est pourquoi nous avons décidé d'ouvrir en sa mémoire une cagnotte en faveur de l'école de navigation Peepul (https://www.peepul.it/), organisation caritative qui organise des cours de voile gratuits pour les enfants en situation de handicap et les enfants défavorisés. L'argent récolté sera utilisé pour l'achat d'un navire de sauvetage qui portera le nom de Fabrizio. Si vous souhaitez faire un don, merci de vous rendre à cette adresse : https://gofund.me/a3306414.