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Premiers tests au CERN d’un grand prototype de nouvelle technologie de détection des neutrinos

Le deuxième détecteur ProtoDUNE au CERN a enregistré ses premières traces de particules en août

A pixelated dark-blue screen showing light-blue particle tracks on the left-hand side

La trajectoire d’un muon cosmique mise en évidence par le détecteur prototype ProtoDUNE de phase double. Le muon a ionisé les atomes d’argon lors de son passage, laissant une trace visible (Image : ProtoDUNE)

Les scientifiques travaillant au CERN ont commencé des tests sur un prototype de détecteur de neutrinos s’appuyant sur une technologie novatrice et très prometteuse, connue sous le nom de « technologie à phase double ». Si les tests se révèlent concluants, cette technologie sera utilisée à plus grande échelle pour l’expérience internationale DUNE (Deep Underground Neutrino Experiment), hébergée par le Fermilab aux États-Unis.

Les scientifiques ont commencé à faire fonctionner le détecteur ProtoDUNE à phase double au CERN à la fin août, et ont observé les premières traces de particules. Le détecteur est un cube de 6 m de hauteur, soit la hauteur d’un immeuble de trois étages, rempli de 800 tonnes d’argon.

La nouvelle technologie serait utilisée en complément des détecteurs à phase unique, qui sont utilisés avec succès depuis plusieurs années. « La technologie à phase unique est une méthode éprouvée qui sera utilisée pour construire le premier module du détecteur DUNE, a déclaré Edward Blucher, co-porte-parole de l’Université de Chicago. La technologie à phase double constitue une seconde méthode, qui pourrait accroître de façon significative le potentiel de détection de DUNE. » En effet, cette nouvelle technologie pourrait changer la donne, en amplifiant considérablement les signaux émis par les particules se déplaçant dans le détecteur.

Le détecteur ProtoDUNE à phase unique, qui a commencé à enregistrer des données au CERN en septembre 2018, est entièrement rempli d’argon liquide. Les capteurs immergés dans le liquide enregistrent les infimes traces laissées par les neutrinos lorsqu’ils percutent les atomes d’argon. La version du détecteur à phase double utilise de l’argon liquide en tant que matériau cible, et une couche d’argon gazeux au-dessus du liquide pour amplifier les signaux très ténus avant que ceux-ci atteignent les capteurs situés en haut du détecteur, dans l’argon en phase gazeuse. La configuration à phase double pourrait émettre des signaux plus intenses, permettant ainsi aux scientifiques de déceler des interactions de neutrinos d’énergie moins élevée.

Les modules électroniques de collecte de données, tout aussi innovants, mesurent chacun neuf mètres carrés, et sont suspendus séparément à quelques millimètres au-dessus du niveau du liquide. Ils se trouvent dans la couche de gaz, près du haut du détecteur, qui est doté de cheminées spéciales qui s’ouvrent de l’extérieur. Ce système présente l’avantage que les modules électroniques restent accessibles même lorsque la majeure partie du détecteur est remplie d’argon liquide à une température de −184 °C.

Le détecteur à phase double comporte un volume d’argon liquide utile non interrompu par des éléments de détecteurs, et un nombre réduit d’éléments de lecture dans la partie supérieure. On limite ainsi la perte d’espace dans le détecteur, et les neutrinos disposent d’une cible plus vaste.

Les prototypes à phase unique et à phase double du CERN sont de petits composants du détecteur que la collaboration DUNE envisage de construire aux États-Unis dans les dix prochaines années : un module de détection DUNE contiendra l’équivalent de vingt ProtoDUNES et fonctionnera sous des tensions pouvant aller jusqu’à 600 000 volts.

Le projet DUNE prévoit la construction de quatre modules de détection en taille réelle s’appuyant sur l’utilisation d’argon. Ils seront situés à environ 1,5 km de profondeur, au laboratoire de recherche souterrain de Sanford (Sanford Underground Research Facility), dans le Dakota du Sud. Ils permettent aux équipes de recherche d’étudier la possibilité que les neutrinos soient à l’origine de la prédominance de la matière sur l’antimatière dans l’Univers.

Les résultats des tests effectués au CERN seront pris en compte au moment de décider du nombre de modules qui seront dotés d’une technologie à phase unique ou à phase double.