L’intensité monte dans le Grand collisionneur de hadrons (LHC). La semaine dernière, l’accélérateur a propulsé des paquets contenant 230 milliards de protons (2,3 x 1011), soit 40 % fois plus que pour les paquets standard. S’entrechoquant au cœur des expériences, ces paquets ont généré en moyenne 150 collisions, contre environ 65 lors d’une exploitation courante. Ces essais de quelques heures avaient pour objectif d’étudier la durée de vie des faisceaux en mode collision, dans des conditions proches de celles du LHC à haute luminosité.
Le LHC à haute luminosité, qui entrera en service en 2030, va doper la luminosité de l’accélérateur, autrement dit augmenter le nombre de collisions. Son fonctionnement repose sur de nouveaux équipements destinés à concentrer les faisceaux de particules juste avant leur croisement au cœur des expériences ATLAS et CMS. Mais, il s’appuie aussi sur une amélioration du complexe d’accélérateurs du CERN.
Avant d’être envoyés dans la grande boucle de 27 kilomètres du LHC, les particules sont en effet préparées par une succession de quatre accélérateurs, qui forment une chaîne d’injecteurs. Un grand programme d’amélioration des injecteurs (LHC Injectors Upgrade - LIU) a donc été mené sur tous les maillons de cette chaîne pour fournir des faisceaux contenant plus de particules, autrement dit plus intenses. « L’un des objectifs était de doubler le nombre de protons dans chaque paquet tout en réduisant leur dispersion », explique Giovanni Rumolo, physicien des accélérateurs et ancien chef-adjoint du projet LIU.
Ce projet, qui s’est étalé sur dix ans jusqu’en 2021, a vu la réalisation de multiples chantiers, notamment la mise en service d’un nouvel accélérateur linéaire, le Linac 4, comme premier maillon de la chaîne d’accélération, mais également des rénovations et des améliorations majeures de tous les autres injecteurs, ainsi que des infrastructures nécessaires à leur fonctionnement.
À l’issue de ces travaux, pendant quatre ans, les experts ont mis en service les faisceaux et amélioré leurs caractéristiques dans chacun des injecteurs. En mai dernier, la chaîne d’injection produisait pour la première fois un faisceau présentant les caractéristiques attendues : une intensité de 230 milliards de protons par paquet (2,3 × 10¹¹) et une dimension transversale de 1,95 micromètre. Encore fallait-il le faire tourner dans le LHC. La semaine dernière donc, le LHC a porté de tels faisceaux à 6,8 TeV, avant de les faire se rencontrer dans les expériences.
Toutefois, 600 paquets seulement ont circulé durant cet essai, contre environ 2 500 lors d’une exploitation courante, pour éviter de surcharger l’accélérateur et les expériences. Le LHC à haute luminosité fera circuler plus de 2 700 paquets ; ses nouveaux aimants de focalisation, plus puissants, concentreront ces paquets pour obtenir une luminosité encore plus élevée.
« La prochaine étape est de vérifier que de tels faisceaux peuvent être produits de manière stable et répétable », poursuit Giovanni Rumolo. Les tests de faisceaux se poursuivront en 2026, avant le long arrêt technique qui débutera à l’été et au cours duquel les équipements pour la haute luminosité seront installés.