Détecter des événements rares, c’est le quotidien des expériences menées au Grand collisionneur de hadrons (LHC). Mais, dans le cas des derniers résultats obtenus par la collaboration CMS, il s’agit d’un événement exceptionnellement rare, avec la première observation de la production d’un quark top isolé associé à un boson W et à un boson Z, processus extrêmement rare qui ne se produit que lors d’une collision sur mille milliards. Repérer cet événement parmi les données du LHC revient à chercher une aiguille dans une botte de foin aussi grande qu’un stade olympique.
La production d’un quark top, d’un boson W et d’un boson Z, ou production tWZ, pourrait nous aider à comprendre les forces fondamentales de la nature. En examinant attentivement ce type de production, les scientifiques peuvent étudier la façon dont le quark top interagit avec la force électrofaible, portée par les bosons W et Z. En outre, le quark top étant la particule fondamentale la plus massive que l’on connaisse, c’est également celle qui interagit le plus fortement avec le champ de Higgs. Ainsi, étudier la production tWZ pourrait permettre de mieux comprendre le mécanisme de Higgs, voire de déceler des signes de nouveaux phénomènes pointant vers une physique au-delà du Modèle standard.
Cependant, observer la production tWZ n’est pas chose aisée. Non seulement il s’agit de l’un des processus du Modèle standard les plus rares que l’on peut observer au LHC, mais il est aussi très complexe à analyser. Il ressemble fortement à un autre processus, la production ttZ, au cours de laquelle un quark top et un antiquark top sont produits en même temps qu’un boson Z. La production ttZ est environ sept fois plus fréquente que la production tWZ et crée donc beaucoup de bruit de fond qu’il faut pouvoir identifier.
« Comme la production tWZ est rare et ressemble au processus ttZ, on a besoin, pour pouvoir l’observer, de techniques d’analyse poussées reposant sur l’apprentissage machine », explique Alberto Belvedere, chercheur de la collaboration CMS à DESY. Grâce à cet algorithme, les scientifiques ont réussi à séparer le signal provenant de la production tWZ et le bruit de fond.
La collaboration CMS a remarqué que le taux de la production tWZ était légèrement plus élevé que celui prévu par la théorie. Les données et analyses futures serviront à vérifier s’il s’agit seulement d’une fluctuation statistique, ou s’il pourrait s’agit du premier indice d’une physique au-delà des lois connues.
« Si des interactions ou des particules inconnues sont à l’œuvre, la déviation observée entre le taux mesuré [de la production tWZ] et la prédiction pourrait s’accroître rapidement à mesure qu’augmentera l’énergie des particules sortantes, effet spécifique au processus tZW », ajoute Roman Kogler, chercheur de la collaboration CMS à DESY.
Pour l’heure, la collaboration CMS peut se féliciter d’avoir observé pour la première fois un phénomène extrêmement rare, qui ne se produit qu’une fois tous les mille milliards de collisions proton-proton. C’est une nouvelle preuve de la capacité du LHC à sonder les énigmes de l’Univers.