Avec ses murs blancs immaculés, sa propreté impeccable et ses lumières bleues et blanches, la nouvelle caverne du LHC à haute luminosité (HL-LHC), située au point 1 à proximité du détecteur ATLAS, à environ 80 mètres sous terre, pourrait facilement passer pour une structure médicale. Mais, comme l'indique en souriant Oliver Brüning, chef du projet HL-LHC, « cela ne durera pas ». En effet, la caverne et son tunnel de service, d'une longueur de 300 mètres, aujourd’hui vides, vont bientôt se trouver encombrés et connaître une grande animation avec l'installation, dans un premier temps, des infrastructures techniques, puis des équipements du LHC à haute luminosité.
Avec le complexe souterrain similaire, en cours de construction au point 5 (à proximité de CMS), cette caverne et sa galerie constituent la pierre angulaire sur laquelle repose la majeure partie de la stratégie du HL-LHC. La structure offre en effet une solution globale aux défis que pose le futur accélérateur, tels qu’une augmentation des dommages liés aux rayonnements due à un nombre accru de collisions, de plus grosses pertes dans la réfrigération des aimants, ainsi que des problèmes de stockage dans l'étroit tunnel du LHC, qui ne peut abriter tous les équipements de pointe permettant d'améliorer les performances du collisionneur : les lignes supraconductrices, les compresseurs pour les quadripôles des triplets, divers systèmes de refroidissement pour la protection des aimants, ainsi que le système de production d'énergie pour le nouveau système RF supraconducteurs des cavités-crabes. Ces éléments seront transférés dans la nouvelle caverne, aux côtés de tous les nouveaux et anciens convertisseurs de puissance du LHC, pendant le troisième long arrêt.
Depuis qu'il a été décidé, en 2015, de construire des cavernes, les équipes responsables des travaux de génie civil (principalement le groupe Génie civil au sein du département SCE, même si le projet mobilise des groupes de l’ensemble de l'Organisation) n'ont pas perdu une seconde : inquiets des perturbations que les travaux de forage pourraient entraîner pour le faisceau du LHC lorsque la machine est en service, les responsables du projet HL-LHC ont décidé que les travaux débuteraient plus tôt que prévu, en 2018, pendant le LS2, le but étant d’avoir terminé avant la troisième période d'exploitation. Les concepteurs ont opté pour une solution à deux étages : la nouvelle galerie repose six mètres au-dessus du tunnel du LHC, parallèlement à celui-ci et est reliée à l'ancien tunnel en quatre points différents. « Ce design élégant à double étage nous permet de faire passer les connexions à travers le plafond du tunnel du LHC ; nous ne gaspillons ainsi pas un seul mètre carré du sol du tunnel, qui est déjà très encombré », explique Oliver Brüning.
Laurent Tavian, responsable des lots de travaux pour la construction de la structure souterraine, ne peut cacher sa satisfaction quant au déroulement des travaux de génie civil : « L'eau était notre principale préoccupation, car les inondations avaient, par le passé, compliqué le forage des cavernes. Mais cette fois, nous n'avons pas eu à faire face à ce problème car nous avons eu la chance de creuser pendant deux années particulièrement sèches. Par contre, on ne s'attendait pas à tomber sur des hydrocarbures. » Malgré les inconvénients liés à la découverte de petites poches de gaz naturel et de pétrole, et les quelques semaines perdues en raison du confinement en 2020, les travaux de génie civil se terminent à présent sans complication et dans les délais, grâce notamment à la relation de confiance établie avec la principale entreprise contractante, The Joint Venture Marti Meyrin. La construction des bâtiments en surface, pour les systèmes de refroidissement et d'autres services, est en bonne voie et devrait s’achever à l'automne 2022.
« Le but du projet LHC à haute luminosité ne se limite pas à relever la luminosité de l'accélérateur, il s’agit aussi de le rendre plus fiable. Nous voulons qu'il soit réglé comme une montre suisse », déclare Oliver Brüning. Les nouveaux équipements étant stockés séparément du tunnel, dans les nouvelles structures souterraines, les interventions pourront s'effectuer alors que la machine est encore en fonctionnement, ce qui permettra de collecter des données en continu, contrairement aux périodes d'exploitation précédentes, pendant lesquelles il fallait souvent arrêter la machine pour laisser aux techniciens le temps d'accéder aux équipements. Même si un long chemin reste à parcourir, ces nouvelles structures souterraines constituent une nouvelle étape en vue de la réalisation d'un accélérateur plus lumineux, plus solide et plus fiable.