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La supraconductivité au service de la durabilité : une nouvelle liaison supraconductrice pour le HL-LHC

Cette ligne de transfert innovante, qui alimentera les triplets du LHC à haute luminosité, sera composée d'un cryostat flexible ainsi que de la première série de câbles supraconducteurs à haute température en diborure de magnésium

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A flexible cryostat for HL-LHC's new superconducting link
Un cryostat flexible novateur, familièrement appelé le « python », comportant 19 câbles supraconducteurs haute température en diborure de magnésium capables de transporter des intensités jusqu'à 120 kA. (Image: CERN)

Le Grand collisionneur de hadrons (LHC), l’accélérateur de particules le plus grand et le plus puissant du monde, est également la plus grande machine utilisant la supraconductivité. Les faisceaux de protons circulant à l'intérieur de l'anneau de l'accélérateur sont incurvés et focalisés par des électroaimants supraconducteurs. Pour être supraconducteurs, ces électroaimants, composés de bobines de câbles en niobium-titane (Nb–Ti), doivent fonctionner à une température plus froide que celle de l'espace intersidéral, ce qui permet au courant de circuler sans aucune résistance ni perte d'énergie. Le LHC à haute luminosité (HL-LHC), qui verra le relèvement de la luminosité du LHC, comportera pour la première fois des lignes de transfert électrique novatrices appelées « liaisons supraconductrices ».

C’est dans le hall d'essai des aimants supraconducteurs, SM18, qu’a eu lieu l'assemblage de la première série de câbles supraconducteurs en diborure de magnésium (MgB2), pour constituer un cryostat flexible novateur. Ce dispositif constituera une ligne de transfert supraconductrice unique en son genre qui viendra alimenter les triplets du HL-LHC. Les triplets sont des aimants de focalisation chargés de concentrer le faisceau jusqu'à un diamètre de 5 micromètres juste avant le point de collision.

Appelé familièrement le « python », le cryostat flexible, à double parois, comporte 19 câbles supraconducteurs en diborure de magnésium, torsadés ensemble pour former un faisceau compact. Chaque câble en MgB2 mesure 140 mètres de long environ ; le faisceau complet a un diamètre d’environ 90 millimètres. Ensemble, ces 19 câbles supraconducteurs peuvent acheminer un courant continu d'environ 120 kA à une température de 25 K (-248 °C), c'est-à-dire à une température plus élevée que celle à laquelle les supraconducteurs conventionnels fonctionnent. Dans le LHC, les câbles en niobium-titane (Nb–Ti) et en niobium-étain (Nb3Sn) fonctionnent dans de l'hélium superfluide à une température de 1,9 K (-271,3 °C), plus froide donc que celle de l’espace, qui est de 2,7 K (-270,5 °C). Les câbles en MgB2 des liaisons supraconductrices sont refroidis par un flux forcé d'hélium gazeux. « La R&D effectuée dans la phase initiale du projet LHC a rendu la production fiable et reproductible », explique Oliver Brüning, chef du projet HL-LHC.

Ce nouveau type de ligne de transmission supraconductrice présente également un potentiel pour des domaines autres que la technologie des accélérateurs. Ce type de liaison, capable de transférer un courant très élevé à travers un petit diamètre, pourrait ainsi être utilisé pour alimenter en électricité de grandes métropoles, ou pour relier des sources d’énergie renouvelable à des bassins de population. Le CERN et Airbus UpNext ont récemment signé un accord de collaboration afin d'évaluer l'utilisation de technologies supraconductrices pour les futurs avions à faibles émissions.

Mais ce matériau supraconducteur n'est pas la seule innovation pour une ligne de transfert durable et supraconductrice.

« Ce qui est formidable avec ce nouveau système, c’est que l'exploitation cryogénique de la liaison supraconductrice ne coûte rien, parce que le système transfère de l’hélium gazeux qui est nécessaire de toute façon pour refroidir les amenées de courant, explique Amalia Ballarino, responsable adjointe du groupe Aimants, supraconducteurs et cryostats du CERN. Ainsi, les liaisons supraconductrices servent à la fois de lignes de transfert d'hélium et de lignes d’alimentation électrique. »

Les liaisons supraconductrices – dix au total pour le HL-LHC – continueront d'être assemblées et testées à SM18, au CERN, jusqu'à leur installation dans le tunnel du LHC, au cours du troisième long arrêt qui devrait débuter en 2026. La première liaison supraconductrice du HL-LHC sera mise en fonctionnement cette année, lorsqu'elle sera reliée au cryostat par des amenées de courant supraconductrices haute température en oxyde de terres rares, baryum et cuivre (REBCO) d'un côté et aux connexions en niobium-titane de l'autre. L'intégration de ces nouvelles technologies clés (câbles supraconducteurs en diborure de magnésium, longs cryostats flexibles à faible charge thermique statique, et amenées de courant supraconductrices haute température en REBCO) marque le début d'une approche durable de la transmission électrique pour le futur des accélérateurs du CERN, à commencer par le HL-LHC.