Né en 1943 à San Luis de Potosí, au Mexique, Arnulfo Zepeda obtient un diplôme de génie nucléaire à l’Université de Prague en 1967, puis un doctorat en physique au Cinvestav (Centre de recherche et d’études avancées de l’Institut national polytechnique - Mexique) en 1970, et un doctorat en physique des particules élémentaires à l’Université Rockefeller, en 1972.
Arnulfo s’intéresse tout d’abord à la physique des particules théorique et se fait connaître grâce à ses travaux sur la brisure de symétrie chirale, les facteurs de forme du nucléon et la masse du quark up. Au Cinvestav, il crée un groupe de physique des particules jeune et très actif, et devient l’une des principales figures de la physique théorique du Mexique et de l’Amérique latine.
À la fin des années 1990, son intérêt se porte sur les rayons cosmiques d’ultra-haute énergie. Il se voit confier la responsabilité de la participation du Mexique à la construction et à l’exploitation de l’Observatoire Pierre Auger en Argentine, et il contribue de manière notable à d’importantes découvertes telles que l’établissement de la coupure GZK (Greisen-Zatsepin-Kuzmin) à ultra-haute énergie, la composition nucléaire des rayons cosmiques d’ultra-haute énergie et l’observation de possibles sources ponctuelles de rayons cosmiques. Ses activités dans ce domaine se poursuivent au Mexique avec la promotion de l’Observatoire de rayons gamma HAWC, et sa participation aux réunions du comité de collaboration de ce dernier.
Au début des années 2000, Arnulfo fait partie des pionniers de la participation de scientifiques mexicains aux programmes d’expériences du CERN, en particulier dans le cadre d’ALICE. En 2002, il rejoint officiellement ALICE où il contribue à l’installation du détecteur ACORDE, utilisé comme système de déclenchement par rayons cosmiques. ACORDE, avec les autres sous-détecteurs d’ALICE, a fourni à la fois de précieuses données d’étalonnage mais aussi des informations précises sur les rayons cosmiques d’une énergie primaire comprise entre 1 015 et 1 017 eV.
Arnulfo fut associé (1982-1988), puis associé principal (1998-2003) à l’ICTP de Trieste. En 1993, il fut élu membre de la Société américaine de physique pour ses recherches originales en physique des hautes énergies et en phénoménologie, pour le rôle moteur qu’il a joué dans le domaine de la physique des hautes énergies au Mexique et pour ses projets visant à promouvoir une meilleure communication entre les physiciens d’Amérique du Nord. Il a contribué grandement au progrès de la physique au Mexique et en Amérique latine, fondé l’Escuela Mexicana de Partículas y Campos, présidé, en 1991 et 1992, la División de Partículas y Campos de la Sociedad Mexicana de Física (SMF), ainsi que la SMF de 1992 à 1994. Il a par ailleurs dirigé plus de 30 thèses et était considéré comme un professeur enthousiaste, remarquable et dévoué à ses étudiants.
De 2005 à 2016, Arnulfo, en tant que membre du conseil exécutif de deux projets financés par la Commission européenne - le réseau HELEN (réseau Europe-Amérique latine de physique des hautes énergies) et le réseau EPLANET (réseau Europe-Amérique latine de physique des particules), encourage les échanges scientifiques entre l’Europe et l’Amérique latine. Dans le cadre de ces projets plus de 3 000 personnes ont pris part chaque mois à de tels échanges, ce qui a permis aux physiciens d’Amérique latine de participer de manière notable aux découvertes faites au LHC. Par la suite, Arnulfo deviendra directeur fondateur de l’Institut mésoaméricain pour les sciences (MAIS) à l’Université autonome du Chiapas, une initiative lancée par l’ICTP pour mettre en place un réseau d’instituts partenaires de l’UNESCO à travers le monde. Arnulfo s’attellera à cette tâche avec beaucoup d’enthousiasme et vivra même sur place de 2011 à 2018. En 2020, l’Institut mésoaméricain pour les sciences obtiendra finalement le statut d’institut de catégorie 2 de l’UNESCO.
Les vastes et profonds intérêts scientifiques d’Arnulfo ainsi que ses qualités humaines ont contribué à l’essor de la physique des hautes énergies et de l’astrophysique des particules au Mexique de ces dernières décennies. Ils ont aussi permis de faire connaître la communauté scientifique mexicaine au niveau international, tant au CERN qu’au sein des expériences internationales sur les rayons cosmiques. Arnulfo était un éminent scientifique et, pour beaucoup d’entre nous au CERN, un ami précieux.
Paolo Giubellino (GSI-FAIR), Luciano Maiani (Université de Rome) et Luciano Musa (CERN).
Cette nécrologie sera publiée dans le numéro mai-juin du Courrier du CERN (en anglais).