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Horst Wenninger (1938 – 2020)

Horst Wenninger, ancien directeur du CERN, joua un rôle essentiel dans l’approbation du LHC et mit en place le transfert de connaissances au CERN

Horst Wenninger
(Image: CERN)

Un chef de service du CERN, nouvellement promu, est en colère. Certains collègues de l’équipe dont il reprend les rênes ne sont pas efficaces, et, à cause d’eux, il ne sera pas en mesure de livrer l’équipement dans les temps et conformément au budget, comme il l’avait promis. Furieux, il va se plaindre auprès de son chef, Horst Wenninger. Vingt minutes plus tard, il ressort du bureau de ce dernier, calme et satisfait. Voilà pourquoi on surnommait parfois Horst Wenninger « M. Valium ».

Scientifiques de renom ou jeunes talents, tous avaient l’habitude de faire appel à Horst, lui accordant leur confiance, sans crainte de voir leurs idées pillées et sans se sentir en danger. Horst Wenninger connaissait le CERN sur le bout des doigts : il savait qui contacter pour telle ou telle tâche ; surtout, il savait ensuite convaincre son interlocuteur.

Avant d’être physicien, Horst avait envisagé d’être diplomate. Il réussit en quelque sorte à conjuguer les deux professions, dans l’intérêt du CERN. Il cultivait l’art de mettre en rapport scientifiques, ingénieurs et administrateurs – toujours dans un but précis.

Né en 1938 à Wilhelmshaven, Horst était le troisième enfant d’un officier de marine. Il passe sa petite enfance avec sa mère et ses trois frères et sœurs près de Dresde. À la fin de la guerre, la famille s’établit à Heilbronn (Bade-Wurtemberg). Il rencontre sa future épouse et fonde une famille alors qu’il poursuit des études de physique à l’Université d’Heidelberg ; il y obtiendra en 1966 un doctorat en physique nucléaire. En 1968, il rejoint le CERN pour participer au projet de Grande chambre à bulles européenne (BEBC).

Depuis le début, le CERN est pour Horst une source d’inspiration, satisfaisant non seulement sa passion pour la physique, mais également son intérêt pour la diplomatie. Horst est conscient du rôle important que joue le Laboratoire dans l’instauration d’une collaboration pacifique à l’échelle mondiale, et est heureux de participer à l’aventure.

Sans surprise, Horst se distingue rapidement pour ses qualités de leader, et assume dans un premier temps la fonction de coordinateur de la physique pour le programme BEBC, en 1974. En 1980, il rejoint le laboratoire DESY pour travailler sur la physique des collisionneurs électron-positon en préparation du LEP, avant de retourner au CERN en 1982 pour diriger le groupe BEBC. En 1984, il prend la tête de la division Installations de physique expérimentale, apportant un appui à l’installation Omega et aux expériences UA1 et UA2. Dans le cadre de la R&D et de la construction des détecteurs du LEP, Horst doit mettre en œuvre un nouveau style de collaboration : pour la première fois, des éléments importants des détecteurs doivent être financés, développés et fournis par des groupes extérieurs, la coordination étant assurée centralement par le CERN. En 1990, il dirige la division Technologies des accélérateurs, comprenant les principaux groupes technologiques travaillant sur le LEP2, la R&D sur les aimants supraconducteurs pour le LHC, et les technologies propres au LHC, telles que le vide et la cryogénie. En 1993, il devient chef de projet adjoint du LHC. Sa fine connaissance du CERN et sa capacité à estimer les possibilités s’agissant des inévitables réductions de coûts et de personnel ont été décisives dans la réévaluation du projet LHC.

De 1994 à 1999, Horst est directeur de la recherche et directeur technique du CERN. Le LHC doit être approuvé en 1994. Toutefois, la veille du vote crucial par le Conseil du CERN, en décembre 1994, la délégation de l’Allemagne n’est toujours pas autorisée à voter en faveur du projet. Tard dans la nuit, Horst réussit à obtenir un entretien avec les services du chancelier allemand dans le but d’influencer le ministre compétent, dont la réponse ambiguë sera très opportunément interprétée comme un feu vert par un délégué de l’Allemagne bienveillant. Cet épisode a constitué un moment déterminant pour l’avenir de l’Organisation. Par la suite, Horst se voit décorer de l’Ordre du mérite de la République d’Allemagne (première classe).

En 2000, il contribue à la création de la division Transfert de technologie du CERN et occupe le poste de président du Comité consultatif pour la technologie. Il joue ensuite un rôle important dans la mise en œuvre au CERN du projet italien LAA concernant la R&D sur les détecteurs du LHC. Grâce en grande partie à sa détermination, un ouvrage intitulé « Technology Meets Research – 60 Years of CERN Technology: Selected Highlights » voit le jour en 2017, témoignant de la place qu’accordait Horst Wenninger à la technologie dans la vie du CERN.

Horst prend sa retraite en 2003, mais continue d’apporter d’importantes contributions à l’Organisation grâce à son expérience étendue dans les domaines de la physique, de la technologie et de l’administration, ainsi qu’à son vaste réseau international. Le centre de recherche GSI à Darmstadt a récemment entrepris la construction de l’installation FAIR – de loin le projet le plus important qu’ait connu ce laboratoire. Une fois de plus, on fait appel à Horst, dont les compétences exceptionnelles sont précieuses, voire essentielles, pour définir une marche à suivre, à une époque où la science, la technologie et la politique prennent des directions différentes. Horst joue un rôle important pour mobiliser au CERN les compétences en matière d’accélérateur. L’installation dépend d’importantes contributions en nature à l’échelle internationale, et c’est tout naturellement que l’on se tournera vers Horst pour mettre en place le processus délicat et complexe en matière de planification et d’achat. Lorsque, en 2019, l’Union européenne approuve le projet SEEIIST (South-East European International Institute for Sustainable Technologies), Horst est désigné pour coordonner la phase 1 du projet.

Horst a laissé son empreinte au CERN. Et l’ensemble de la communauté a bénéficié de ses nombreuses contributions dans le cadre des rôles consultatifs qu’il a exercés tout au long de sa vie. Nous avons perdu un collègue exceptionnel, mais également un ami, qui nous a beaucoup apporté par son enthousiasme, ses conseils et sa sagesse.

Ses amis et collègues