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La science pour le bien de tous – l’importance de la gouvernance

De nombreux gouvernements nationaux intègrent dans leurs structures de gouvernance un organe fournissant des conseils éclairés en matière de science

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Cette article est apparu comme un blog sur le site Huffington Post.

Il fut un temps où la science était le fait d’individus inspirés qui développaient des théories ou concevaient des expériences susceptibles d’être réalisées sur une simple table et achevées en quelques jours ou quelques semaines. Cette époque est révolue depuis longtemps. La science d’aujourd’hui fait souvent intervenir de très grandes équipes internationales dont les travaux s’étendent sur plusieurs années, voire plusieurs décennies. Cependant, le temps nécessaire pour qu’une avancée scientifique trouve des applications se raccourcit, à tel point que la science et la technologie peuvent changer le monde et le rendre méconnaissable en l'espace d'une seule génération. Dans un tel monde, la dimension éthique du progrès scientifique se retrouve au premier plan, et la question de la gouvernance scientifique devient centrale.

Le monde d’aujourd’hui a beaucoup progressé grâce à la science, même par rapport au monde dans lequel j’ai grandi. L’humanité a, dans son ensemble, appliqué au service du bien les connaissances apportées par la science. Il est difficile d’imaginer un monde sans la médecine moderne, l’électricité, les transports et les télécommunications. Cependant, les avancées scientifiques s’accompagnent fréquemment de dilemmes éthiques. Prenons par exemple les organismes génétiquement modifiés ; il ne fait aucun doute que cette technologie peut avoir beaucoup d’effets positifs, en créant des espèces cultivables présentant une meilleure résistance à la sécheresse, pour ne citer qu’une seule application. Mais à qui cette technologie doit-elle appartenir, et comment la tester avant qu'elle soit développée à grande échelle? Nous pouvons aussi nous pencher sur les questions, étroitement liées, du climat et de l’énergie : nous produisons aujourd’hui la plus grande partie de notre énergie par la combustion, ce qui n’est ni bon pour le climat ni durable. Mais de quels mécanismes disposons-nous pour développer et évaluer d’autres solutions, parmi lesquelles un nucléaire plus propre et les énergies renouvelables ? Même dans un domaine ésotérique tel que le mien, la physique des particules, de telles questions peuvent se poser. Qui décide si cela vaut la peine, pour comprendre l’origine de la masse, de construire un Grand collisionneur de hadrons ?

Heureusement pour la physique des particules en Europe, les fondateurs du CERN avaient une réponse. Ils ont conçu une structure de gouvernance basée sur le consensus entre les États membres, représentés au Conseil, organe de tutelle de l’Organisation. Des comités d’experts indépendants font office d’organes consultatifs impartiaux auprès du Conseil, afin d’assurer à la fois la stabilité à long terme nécessaire à la recherche scientifique et les mécanismes de contrôle essentiels pour traiter toute question éthique. De plus, en établissant le siège de l’Organisation à Genève, les fondateurs ont assuré au CERN une place idéale pour contribuer à la vitalité de la communauté internationale et pour exploiter les synergies existant avec de nombreuses autres organisations internationales partageant des préoccupations et des objectifs similaires. Pour ne citer qu’un seul exemple, UNOSAT, programme de télédétection de l'ONU qui fournit des données issues de satellites à des organismes internationaux se consacrant au développement et à l'action humanitaire, est hébergé au CERN depuis 2002, et constitue un modèle qui a fait ses preuves, montrant ce qui est possible quand deux organisations mettent en commun leurs compétences pour travailler ensemble.

Plus récemment, le CERN s'est vu accorder le statut d'observateur auprès de l’Organisation des Nations Unies, et le Secrétaire général de l’ONU a créé un Comité consultatif scientifique qui compte un chercheur du CERN. Ce n’est pas un cas isolé ; de nombreux gouvernements nationaux, ainsi que la Commission européenne, intègrent dans leurs structures de gouvernance un organe fournissant des conseils éclairés en matière de science. De telles initiatives sont d’une importance cruciale, car elles donnent à la société les outils dont elle a besoin pour veiller à ce que les avancées de la science continuent.