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Aux portes d’un nouveau territoire

L’exploitation 2010 du LHC a commencé depuis déjà une semaine et le démarrage de la physique à 7 TeV est imminent

L’exploitation 2010 du LHC a commencé depuis déjà une semaine et le démarrage de la physique à 7 TeV est imminent. La semaine dernière, les participants à l’atelier annuel de La Thuile en Italie ont pu faire le point sur ce que la première période d’exploitation du LHC pour la physique pourrait bien nous réserver. Ils ont pris conscience de l’effervescence qui règne au CERN et dans les laboratoires de physique des particules du monde entier, et ce, à juste titre, puisque nous nous apprêtons à ouvrir la voie à un potentiel de découvertes sans précédent pour la physique des particules depuis plus d’une décennie.

Notre objectif pour les 18 à 24 mois à venir est de fournir aux expériences 1 fb-1 (femtobarn) de données. En d’autres termes, suffisamment de données pour réaliser des avancées notables via des branches très diverses de la physique.

Prenons la supersymétrie. ATLAS et CMS disposeront chacune de suffisamment de données pour élargir notablement la sensibilité actuelle aux nouvelles découvertes. Aujourd’hui, les expériences sont sensibles à certaines particules supersymétriques dont les masses vont jusqu’à environ 400 GeV. Le LHC, avec 1fb-1, va permettre d’aller jusqu’à environ 800 GeV. Cela signifie que, au cours des deux années à venir, les expériences LHC exploreront, dans leur recherche de la supersymétrie (SUSY), un territoire aussi vaste que celui couvert dans l’histoire de la physique des particules jusqu’à ce jour. En d’autres termes, il se pourrait bien que le LHC, dans les deux années à venir, découvre des particules supersymétriques, avec la possibilité également d’élucider la nature de la matière noire, qui représente environ un quart de la masse et de l’énergie de notre Univers.

Prenons un autre exemple, le boson de Higgs. Les derniers résultats obtenus par le CERN à ce sujet remontent à une dizaine d’années avec le LEP. Durant la dernière année d’exploitation du LEP, certains indices séduisants de l’éventuelle présence du boson de Higgs avaient été décelés, mais tout ce que nous pouvions alors affirmer avec certitude c’était que cette particule devait avoir une masse supérieure à environ 115 GeV. Depuis, le Tévatron a permis de réaliser de grands progrès en la matière en excluant certains domaines de masses probables pour le Higgs. Les analyses qu’ATLAS et CMS pourront effectuer ensemble à partir des 1 fb-1 de données du LHC permettront d’explorer un large domaine de masses, et il y aura une chance bien réelle de découverte, si la masse du Higgs avoisine les 160 GeV.

À l’autre extrémité – bien plus exotique – des découvertes possibles, les expériences LHC seront sensibles à de nouvelles particules massives qui pourraient signaler la présence de dimensions supplémentaires. Il sera possible de découvrir des particules ayant une masse pouvant aller jusqu’à 2 TeV, alors qu’aujourd’hui, on se situe aux alentours de 1 TeV.

Pour toutes ces raisons, il fait bon en ce moment être physicien des particules, et en particulier étudiant dans cette discipline. Quelque 2 500 doctorants attendent avec impatience les données que produiront toutes les expériences LHC, à savoir ALICE, ATLAS, CMS, LHCb, LHCf et TOTEM. Ils forment un cercle de privilégiés qui s'apprête à rédiger les premières thèses de doctorat à la nouvelle frontière des hautes énergies.

Deux années d’exploitation continue ne seront pas de tout repos pour les opérateurs du LHC et les expériences, mais le jeu en vaudra bien la chandelle. En renonçant au cycle d’exploitation traditionnel du CERN sur une année, nous augmenterons la durée d'exploitation totale et, ainsi, les chances de découvertes au cours des trois prochaines années. À l’issue de cette période d’exploitation, on procédera, lors d’une période d’arrêt unique, aux préparatifs en vue de collisions à 14 TeV, un nouveau grand pas dans ce territoire vierge, aussi grand que celui que nous sommes sur le point de faire.