Les protons se bousculent dans le Grand collisionneur de hadrons. Depuis le démarrage de l’exploitation pour la physique, le 23 mai, les opératrices et opérateurs du grand accélérateur ont accru l’intensité des faisceaux, injectant de plus en plus de protons pour augmenter le nombre de collisions.
Ce sont désormais des « trains » de paquets qui circulent dans la machine. La chaîne de quatre accélérateurs qui alimente le LHC forme des trains de 288 paquets, contenant chacun environ 100 milliards de protons, avant de les injecter dans la grande boucle. Ils sont alors accélérés à une vitesse proche de celle de la lumière durant une vingtaine de minutes avant d’entrer en collision au coeur des expériences. Ces derniers jours, 600 paquets tournaient dans chaque sens. L’objectif est d'obtenir 2500 paquets dans chaque faisceau dans quelques semaines.
Mais pour y parvenir, les spécialistes de la machine doivent d’abord préparer les tubes dans lesquels circulent les protons. Obtenir le vide le plus poussé possible est une condition sine qua non pour faire fonctionner un accélérateur. Les molécules qui subsistent sont autant d’obstacles à la circulation des protons. C’est un peu comme si des Formule 1 étaient lancées sur un circuit sur lequel des voitures ou des camions seraient garés. Aussi, avant de démarrer l’accélérateur, les spécialistes du vide pompent l’air des tubes de faisceau, obtenant un vide poussé, proche de celui qui règne à la surface de la Lune (10-10 voire 10-11 millibars). Ca suffit pour faire circuler quelques centaines de paquets de protons, mais au-delà, ça se gâte.
Malgré le vide très poussé, des molécules résiduelles de gaz et des électrons restent piégées sur les parois des tubes. Lorsque les protons circulent, les électrons se détachent des parois sous l’impact de particules égarées ou de photons émis par les faisceaux. Ils sont accélérés par le champ électrique généré par le faisceau et frappent le côté opposé de la paroi. Ils arrachent alors des molécules piégées et libèrent encore plus d’électrons. Si le nombre d’électrons libérés est supérieur au nombre d'électrons incidents, une avalanche d’électrons peut se former, déstabilisant le faisceau. Ce phénomène, connu sous le nom de « nuages d’électrons », est d’autant plus important que les paquets de protons sont nombreux et rapprochés.
Les opérateurs doivent donc dissiper ces nuages empêcheurs de tourner en rond. Pour y parvenir, ils conditionnent les chambres à vide avec le faisceau lui même. Ils font circuler suffisamment de protons à basse énergie pour libérer le plus possible de molécules de gaz et provoquer une libération massive de nuages d’électrons. L’expérience a démontré qu’une fois ce traitement réalisé, le taux de libération de molécules de gaz et d’électrons baisse, permettant de graduellement augmenter l’intensité des faisceaux.
L’heure du grand nettoyage de printemps a donc sonné pour le LHC. Pendant plusieurs jours, les opératrices et opérateurs vont procéder aux opérations de nettoyage des tubes avec le faisceau. L’exploitation pour la physique fera une pause avant de reprendre de plus belle mi-juin.