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Les secrets du niobium-étain, fragile mais supraconducteur

La production de nouveaux câbles en niobium-étain destinés aux aimants supraconducteurs haute performance du HL-LHC est en cours au CERN.

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Once upon a time, there was a superconducting niobium-tin...

La machine de câblage Rutherford est en marche dans le laboratoire dédié à la supraconductivité, dans le bâtiment 163. (Photo : Max Brice/CERN)

Pas de recherches extraordinaires sans machine extraordinaire : le projet d’amélioration du LHC, ou LHC à haute luminosité (HL-LHC), a pour objectif d'atteindre des luminosités instantanées cinq fois supérieures à la valeur nominale du LHC, grâce à des champs magnétiques allant jusqu’à 12 teslas. L'alliage supraconducteur de niobium et de titane (Nb-Ti) utilisé pour les aimants du LHC résiste à des champs magnétiques inférieurs à 9-10 teslas ; il devait donc impérativement être remplacé par un autre matériau. C'est l'élément niobium-étain (Nb3Sn) qui a rendu possible le développement d'aimants supraconducteurs capables de générer plus de 10 teslas.

La découverte de cet alliage en tant que supraconducteur remonte à 1954, soit huit ans avant celle du niobium-titane, mais c’est ce dernier qui avait été préféré pour la construction du LHC, en raison de sa plus grande accessibilité, de sa ductilité plus élevée et de ses excellentes propriétés électriques et mécaniques.

À l’heure actuelle, on assiste à un regain d’intérêt pour le niobium-étain car il est capable de produire des champs magnétiques plus puissants. Dans le HL-LHC, il prendra la forme de câbles destinés aux puissants dipôles principaux (11 teslas) et aux quadripôles des triplets internes, qui seront situés aux points d'interaction d'ATLAS (Point 1) et de CMS (Point 5).   

Les câbles en Nb3Sn qui seront utilisés pour les bobines des aimants du HL-LHC se composent de plusieurs filaments mesurant environ 0,05 millimètre de diamètre, recouverts d’une matrice de cuivre. Il n’est pas possible d’utiliser des filaments supraconducteurs dès le départ, car ils seraient trop fragiles pour supporter le câblage et perdraient de toute façon leurs propriétés supraconductrices. Il faut donc former des câbles avec des filaments en Nb3Sn non encore supraconducteurs, n’ayant pas réagi, et les enrouler en bobines. Ces dernières subissent ensuite un traitement thermique à 650° C pendant plusieurs jours, et deviennent supraconductrices au terme d'un processus complexe de réaction et de diffusion.

Le câblage des brins a lieu dans un laboratoire dédié à la supraconductivité, dans le bâtiment 163 : là, une machine assemble 40 brins en Nb3Sn n’ayant pas encore réagi, et le résultat est un « câble de Rutherford », seul type de câble supraconducteur utilisé pour l’instant dans les aimants d’accélérateurs. Ce câble se compose de plusieurs brins, très compactés pour lui donner une forme trapézoïdale, ce qui permet d'obtenir une densité de courant élevée.

« Les câbles en Nb3Sn qui seront utilisés dans les séries de dipôles à 11 teslas et dans les quadripôles d’insertion ont été mis au point ici, au CERN, par notre section, explique Amalia Ballarino, chef de la section Supraconducteurs et dispositifs de supraconduction (SCD) du groupe Aimants, supraconducteurs et cryostats (MSC) au sein du département Technologie. À présent, dans le laboratoire consacré aux supraconducteurs du bâtiment 163, nous produisons les séries de câbles destinés aux nouveaux aimants pour le HL-LHC. »

Le câblage des brins présente plusieurs défis : tout d’abord, la déformation mécanique qu’il provoque doit avoir un effet négligeable sur la forme, et donc sur la performance électrique, des filaments internes. Même légèrement déformés, les brins doivent pouvoir supporter le traitement thermique sans que leur performance en soit détériorée. Pour générer un champ magnétique de qualité, ils doivent être disposés précisément d’un point de vue géométrique, et soumis à la même tension, sur toute la longueur de câble.   

Comme le précise Amalia Ballarino : « Nous avons une grande responsabilité, car le HL-LHC sera le premier accélérateur à intégrer des aimants en niobium-étain. La phase de R&D est terminée, ce qui signifie que nous avons atteint le plus haut niveau de performance possible pour cette génération perfectionnée de câbles en Nb3Sn. Concernant les futurs accélérateurs à plus haute énergie, la recherche fondamentale sur ce type de câbles sera essentielle si nous voulons produire des champs magnétiques encore plus puissants », conclut-elle.

Cette vidéo montre la production d'un câble en Nb3Sn qui sera utilisé dans l'un des dipôles à 11 teslas du HL-LHC. (Vidéo : Max Brice/CERN) (Video: Max Brice/CERN)