La semaine dernière, le 19 mars, les premières activités de physique avec faisceau de l'année ont débuté : des protons provenant du PS ont frappé la cible de n_TOF, produisant les neutrons nécessaires aux expériences n_TOF. La physique devait également démarrer le même jour dans la zone Est du PS, mais elle a dû être retardée en raison d’un problème repéré au niveau d'un collimateur, dans l'une des quatre lignes de faisceau de la zone Est : le collimateur était partiellement fermé, obstruant la trajectoire du faisceau.
Les collimateurs sont des composants essentiels servant à éliminer du faisceau les particules du halo. Ils sont constitués de pièces mobiles qui peuvent être ajustées par des moyens électromécaniques pour régler l'ouverture du faisceau. Dans le cas présent, le collimateur défectueux a dû être remplacé.
Sous la coordination du groupe Zones d’expérimentation (BE-EA), une équipe de spécialistes de différents domaines a rapidement élaboré un plan en vue du remplacement du collimateur. Cependant, pour accéder à cet élément, il fallait retirer les gros blocs de blindage en béton situés au-dessus de la ligne de faisceau.
Les estimations initiales prévoyaient un retard de trois à quatre jours pour le début de la physique dans la zone Est : on espérait pouvoir reprendre l’exploitation avec faisceau au cours du week-end. Grâce à l'efficacité des équipes concernées et à leur excellente collaboration, le collimateur a pu être remplacé et le blindage remis en place le 22 mars, en début d’après-midi. Le faisceau pour la physique a été livré à la zone Est à 16 h le même jour, juste à temps pour le week-end, avec seulement deux jours de retard sur le calendrier initial.
Dans l’intervalle, la mise en service du faisceau dans le SPS progresse bien. Un faisceau à haute intensité type LHC, contenant plus de protons par paquet que d'habitude, est actuellement utilisé pour « nettoyer » la chambre à vide. Ce processus permet de réduire l'émission d'électrons secondaires, ce qui diminue la formation de nuages d'électrons. Il est essentiel de limiter les phénomènes de nuages d’électrons si l’on veut obtenir des faisceaux stables et de qualité au moment de la livraison au LHC.
Parallèlement, des scientifiques du SPS ont configuré le faisceau et son extraction lente pour la zone Nord du SPS. L'extraction lente est une technique dans laquelle le faisceau accéléré est progressivement extrait du SPS sur des millions de tours. À chaque tour, seule une petite fraction du faisceau est extraite, si bien que l’ensemble du processus d'extraction dure 4,5 secondes environ.
Dans les semaines à venir, le faisceau extrait sera utilisé par des équipes de scientifiques pour configurer les différentes lignes de faisceau dans la zone Nord, qui fournit le faisceau aux expériences. La physique dans la zone Nord devrait démarrer le 14 avril.
Dans mon précédent article, j'ai mentionné l’existence d'une petite fuite dans le système de vide du SPS. Cette fuite semble être synchronisée avec la pulsation des aimants, mais elle reste trop petite pour être localisée avec précision, ce qui empêche de déterminer avec certitude quel aimant doit être remplacé.
Heureusement ou malheureusement (selon le point de vue que l'on adopte), la fuite n’a pas évolué : elle existe toujours, mais elle reste stable. Au fil du temps, cependant, il devient de plus en plus probable qu'il faudra prévoir un arrêt d'une journée pendant la campagne de physique pour remplacer un aimant. Cette décision dépendra toutefois de l’évolution de la situation, notamment si la fuite s’aggrave et devient plus facile à localiser. Nous continuons à suivre la situation de près et vous tiendrons au courant.
Du côté du LHC, les tests de tous les convertisseurs de puissance, circuits électriques, aimants et autres systèmes progressent bien, et sont même légèrement en avance. Du côté de la machine, tout se déroule correctement en vue de l'injection du premier faisceau, initialement prévue pour le 4 avril.
En revanche, nous avons récemment eu connaissance d’un contretemps fâcheux concernant l’expérience ATLAS. Une fuite d'eau a été découverte dans le système de refroidissement d’un de leurs détecteurs, le calorimètre à argon, qui devra être réparé. Pour accéder aux composants concernés, le détecteur doit être ouvert sur l’un des côtés, ce qui est généralement une opération complexe et longue.
Néanmoins, le retard qui en résultera pour le calendrier global du LHC devrait se limiter à deux semaines. Cette situation met en évidence une différence essentielle entre le LHC et le reste du complexe d’accélérateurs : dans le LHC, les expériences sont entièrement intégrées à la machine elle-même, si bien qu'une intervention auprès d’ATLAS affecte directement la capacité à injecter le faisceau et à le faire circuler. Les expériences du complexe d’injecteurs, quant à elles, fonctionnent sur des lignes de faisceau séparées et sont donc indépendantes de l’exploitation de l'accélérateur.
Les équipes machines du LHC travaillent en étroite collaboration avec les équipes d’ATLAS pour mettre au point un plan qui utilise au mieux le temps disponible et réduise autant que possible le retard.
À l'origine, le premier faisceau était prévu pour le 4 avril, soit bien avant le week-end de Pâques. Pour la plus grande joie des équipes, car, sans que cela soit volontaire, la mise en service du faisceau du LHC a souvent coïncidé avec Pâques. Si le retard de deux semaines se confirme, la mise en service 2025 pourrait à nouveau avoir lieu pendant le week-end de Pâques. S’agirait-il là d’une nouvelle constante de la nature ? Nous le saurons dans les prochains jours, lorsque la situation sera plus claire...