Atteindre des champs magnétiques plus élevés est l’une des clés pour repousser les limites en énergie des accélérateurs. Le CERN et plusieurs laboratoires dans le monde ont lancé des programmes de R&D pour améliorer les technologies d’aimants existantes. En février dernier, un aimant de démonstration à base du supraconducteur niobium-étain, refroidi à 1,9 kelvin, a atteint un champ magnétique pic de 16,5 teslas sur le conducteur, dépassant le précédent record de 16,2 teslas de 2015.
Le démonstrateur, dénommé « enhanced Racetrack Model Coil » (eRMC), est une superposition de deux bobines plates en forme de piste de course, d’où son nom. Les bobines sont réalisées à partir d’un câble constitué de brins composites multifilamentaires en niobium-étain, un supraconducteur qui permet d’atteindre des champs magnétiques plus élevés que le supraconducteur niobium-titane actuellement utilisé pour les aimants du Grand collisionneur de hadrons LHC. Les aimants dipôles du LHC présentent un champ nominal de 8,3 teslas.
Le niobium-étain est le matériau utilisé pour certains des nouveaux aimants du LHC à haute luminosité, successeur du LHC, avec des aimants dipôles et quadripôles générant un champ magnétique de l’ordre de 12 teslas. Ce gain est déjà important par rapport au niobium-titane, mais le niobium-étain permet de produire des champs magnétiques plus élevés encore. Ce potentiel est à présent exploré, notamment dans le cadre de l’étude sur un futur collisionneur circulaire (FCC). Pour atteindre une énergie de collisions de 100 TeV avec un anneau de 100 km de circonférence, il est en effet nécessaire d’utiliser des aimants dipôles générant des champs magnétiques de 16 teslas.
Si le démonstrateur eRMC n’est pas un aimant d’accélérateur à proprement parler, sa configuration permet de tester les performances des conducteurs niobium-étain. Durant les tests, l’aimant eRMC a ainsi atteint un champ magnétique pic sur le conducteur de 16,5 teslas, refroidi à 1,9 K (la température d’exploitation du LHC). À 4,5 K, il a atteint 16,3 teslas, ce qui correspond à 98 % des performances maximales estimées du câble supraconducteur.
« Ces résultats et les récentes avancées sur les aimants en niobium-étain démontrent le potentiel d'une telle technologie pour un collisionneur de hadrons de prochaine génération », souligne Luca Bottura, le responsable du groupe Aimants, supraconducteurs et cryostats du CERN. Ce record s’inscrit en effet dans la lignée de travaux prometteurs dans plusieurs laboratoires. Un autre aimant, FRESCA2, présentant une ouverture de 100 mm, a démontré un champ magnétique de 14,6 teslas en 2018 au CERN. FRESCA2 a été développé pour être intégré dans une station de tests pour les câbles supraconducteurs. L’an passé, le Laboratoire américain Fermi a testé un modèle court d’aimant dipôle de type accélérateur, avec une ouverture de 60 millimètres, qui a atteint un champ magnétique de 14,1 teslas à 4,5 kelvins.
Les équipes du CERN vont poursuivre leurs travaux pour se rapprocher d’une configuration d’un aimant d’accélérateur. Le démonstrateur eRMC va ainsi être démonté et réassemblé avec une troisième bobine dans le plan médian pour créer une cavité de 50 millimètres.