Tout au long des presque 70 ans d'histoire du CERN, l’architecture a été placée au service de la science par le biais de structures emblématiques édifiées sur les sites du laboratoire. Alors que le bâtiment du Portail de la science – conçu par le célèbre architecte italien Renzo Piano – est sur le point d'être achevé, examinons la manière dont ces grands projets architecturaux ont façonné l'Organisation depuis ses débuts.
Le complexe original du CERN, centré autour de son bâtiment principal, a tout d'abord donné une identité architecturale forte au laboratoire naissant dans les années 1950. Les architectes zurichois chargés du projet, Rudolf et Peter Steiger, cherchent tout d’abord à s’inscrire dans le mouvement architectural de la Genève internationale qui, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, insuffle modernité et renouveau à des institutions telles que l’Organisation Mondiale de la Santé ou le Bureau International du Travail par le biais de structures monumentales, fonctionnelles et sculpturales. On retrouve ce caractère monumental dans le Bâtiment principal (« Main Building ») du CERN et son bâtiment 60, mais aussi dans les halles d’expérimentation et les bâtiments avoisinants que les architectes ont voulu connectés, liés par une unité architectonique faisant la part belle au béton armé apparent. En bref, l’architecture du complexe d’origine reflète le projet cohérent du Laboratoire, dans le cadre duquel les services et les communautés s’articulent au sein d’un espace commun et uni.
Au fil des ans, le CERN a accueilli d'autres bâtiments emblématiques dont le bâtiment 40 avec son vaste atrium central – achevé en 1996 – et son extension, le bâtiment 42, siège actuel de la Direction du CERN, achevé en 2011. Ces deux bâtiments ont été conçus par l'architecte Jacques Perret. En outre, le Globe de la science et de l'innovation, initialement construit pour l'exposition nationale suisse de 2002 et offert au CERN à l'occasion de son 50e anniversaire, est depuis devenu un symbole de l'Organisation et de la région environnante.
Plus récemment, le site de Prévessin a également accueilli des projets architecturaux ambitieux et respectueux de l’environnement, tel que le bâtiment 774, conçu par les architectes Octavio Mestre et Francesco Soppelsa. Inauguré en 2015, il présente un design innovant : sa façade est recouverte de panneaux solaires issus de la technologie du CERN. Il fait face au site du nouveau centre de données, qui utilisera les dernières technologies de refroidissement et récupérera l'énergie thermique générée par l’infrastructure informatique pour chauffer d'autres bâtiments sur le site.
Mais tous les yeux sont désormais rivés vers le Portail de la science, dont l’inauguration est prévue pour octobre. Patrick Geeraert, responsable du projet Portail de la science, revient sur les prémices de cette vaste entreprise : « La présentation de la maquette par Renzo Piano en 2018, dans ses bureaux de Gênes, a chamboulé tous nos plans. Le projet était aussi magnifique qu’ambitieux ». Le bâtiment ainsi proposé prendra finalement la forme d’une structure divisée en trois pavillons et deux imposants tubes reliés par une passerelle suspendue.
La forte charge symbolique des deux tubes survolant la chaussée n’aura échappé à personne : Renzo Piano les a pensés comme les reflets du tunnel du LHC, situé 100 mètres plus bas. Ils plongeront le visiteur dans le monde des accélérateurs de particules avant même de pénétrer dans le bâtiment. Autre clin d’œil à l’univers des sciences, la silhouette du Portail vue du ciel rappelle celle d’une station spatiale qui se serait posée dans une forêt. Cette dernière, forte de plus de 400 arbres plantés pour l’occasion, est un autre point fort du projet, qui met un point d’honneur à souligner les liens étroits entre science et nature. Enfin, les matériaux choisis et l’esthétique globale du bâtiment, aux formes brutes et au béton apparent rappelant un atelier de construction, célèbrent, sans chercher à le dissimuler, le caractère industriel du CERN.
Cinq ans et une pandémie plus tard, avec le concours des consortiums ICM et Cimolai, le rêve est devenu réalité et le CERN s’apprête à s’ouvrir encore un peu plus au monde grâce à son nouveau centre. À quelques mois de l’ouverture du centre, Patrick Geeraert ne manque pas de raisons de se réjouir : « Nous n’espérions réaliser un tel ouvrage il y a quelques années, dans des délais si courts et sans empiéter sur le budget du CERN. Le projet a été intégralement financé par des dons, et je souhaite remercier encore une fois nos sponsors, mais aussi toutes les équipes du CERN qui ont participé à faire du Portail de la science une réalité ».
L’enveloppe du Portail de la science le montre sans équivoque : le bâtiment sera bien plus qu’un centre d’expositions, mais aussi un lieu destiné à faire vivre la science, accueillir ses protagonistes, et favoriser le bouillonnement d’idées qui caractérise le CERN depuis bientôt 70 ans. Les grands projets architecturaux ont marqué les premiers jours de l’Organisation, et ils l’accompagnent alors qu’elle écrit son avenir.