Les travaux de recherche menés dans le cadre de l'étude sur le Futur collisionneur circulaire (FCC) portent déjà leurs fruits. En atteste la mise au point d’une nouvelle méthode de pulvérisation cathodique pour fabriquer les cavités-crabe. Situées de part et d’autre des points de collision, ces cavités inclinent les paquets de particules de manière à accroître le plus possible leur surface de recouvrement au moment de leur croisement, permettant ainsi d’augmenter et de contrôler la luminosité de l’accélérateur. Cette technique en est à ses débuts puisque les premières cavités-crabe sont développées pour le LHC à haute luminosité (HL-LHC). Ces dernières seront en niobium massif, matériau supraconducteur traditionnellement utilisé pour les cavités radiofréquence. Le niobium massif est cependant très onéreux, c’est pourquoi des alternatives sont recherchées. Pour réduire les coûts, les scientifiques entendent substituer le niobium massif par du cuivre recouvert d’un fin revêtement de niobium.
Le dépôt de niobium sur cuivre a déjà été adopté pour les cavités radiofréquence du LHC par le biais d’une technique appelée pulvérisation cathodique magnétron. Un aimant entouré d’un cylindre de niobium polarisé négativement (le « magnétron ») est inséré dans la cavité afin de générer un plasma d’argon. Les électrons présents dans le plasma, excités autour des lignes de champ magnétique, ionisent les atomes d’argon qui, chargés positivement, sont accélérés vers la cathode en niobium. Les ions argon sont projetés sur le niobium dont les atomes sont pulvérisés et sont diffusés dans la cavité avant de se déposer sur les parois de cuivre.
Si la technique avec une polarisation négative constante convient aux cavités radiofréquence elliptiques du LHC, la forme interne plus complexe des cavités-crabe empêche le dépôt d’une couche uniforme sur les parois. C’est là que les équipes du groupe BE-RF, EN-MME et TE-VSC sont intervenues en mettant au point une nouvelle cavité-crabe (« Wide Open Waveguide » - WOW) compatible avec la technique de pulvérisation cathodique et une nouvelle technique de dépôt, la pulvérisation cathodique magnétron en régime d’impulsions de haute puissance (« High Power Impulse Magneton Sputtering » - HiPIMS), une méthode de pulvérisation avec modulation du voltage permettant d’atteindre des valeurs de puissance assez élevées pour ioniser une fraction significative des atomes de niobium pulvérisés. Le potentiel de la cible de niobium est périodiquement inversé afin de repousser les ions niobium positifs, ce qui augmente la vitesse des particules diffusées. Ils sont ainsi projetés de manière plus efficace sur les parois de la cavité : le revêtement devient plus dense et homogène.
Après trois ans de R&D, le premier test sur une cavité est prévu au cours de l’hiver prochain. Fabio Avino, du groupe VSC, est prêt : « J’ai vu le projet partir de zéro, il y a trois ans, et depuis, j’ai pu explorer des principes de physique et d’ingénierie pour arriver à un résultat satisfaisant. L’équipe et moi-même espérons que notre travail servira un jour à un accélérateur comme le FCC ». Au-delà de la physique des hautes énergies, la technique de dépôt étudiée au CERN trouve également des applications dans les industries de l’automobile, de l’aérospatiale et du médical, qui utilisent la pulvérisation cathodique par HiPIMS pour le revêtement d’objets de formes complexes et l’obtention de couches aux propriétés exigeantes.