Diplômé de l’Université de Bonn, Adolf Minten travaille alors au sein de l’équipe de Wolfgang Paul sur le Synchrotron à électrons de 500 GeV, l’un des premiers accélérateurs à focalisation forte. Ces premiers travaux lui permettent d’acquérir une grande expérience de la conception d’aimants, de spectromètres et de lignes de faisceaux, ainsi que de la diffusion d’électrons et de la production d’hadrons. En 1962, il rejoint la division Chambres à traces du CERN sous la supervision de Charles Peyrou, où il met en place des lignes de faisceaux pour la chambre à bulles de 2 m et participe activement à son vaste programme de physique. Son année passée en tant que scientifique visiteur au SLAC, de 1966 à 1967, est l’une des étapes importantes de sa carrière, qui lui permet de prendre part aux premières expériences sur l’électroproduction hadronique et la diffusion d’électrons auprès de l’accélérateur de 3,2 km de long nouvellement créé.
Il revient au CERN au moment où ont lieu des développements décisifs s’agissant des technologies d’accélérateur et de détecteur. Tout en participant aux expériences avec chambres à bulles, il s’intéresse au programme de physique des Anneaux de stockage à intersections, premier collisionneur proton-proton du monde, mis en route en 1971. Pour faire face aux taux d’interaction élevés attendus avec cette nouvelle machine, le développement de détecteurs de traces se concentre sur la chambre proportionnelle multifils (Multi-Wire Proportional Chamber – MWPC) mise au point par Georges Charpak. L’un des modèles est un grand spectromètre polyvalent appelé Aimant à champ fractionné (Split Field Magnet – SFM). À l’époque, l’application à grande échelle de la technologie révolutionnaire de la MWPC, jusqu’alors disponible seulement sur des dispositifs monofils ou des détecteurs de petite surface, représente un formidable défi. En 1969, Adolf devient responsable de la construction de l’installation SFM, qui couvre l’ensemble de l’angle solide avec une surface de détecteur sans précédent de 300 m² ainsi que 70 000 fils et canaux électroniques. Des développements majeurs sont nécessaires au niveau des détecteurs, de l’électronique et des logiciels pour que ce projet puisse être mis en service en 1974.
En 1975, pour se préparer à la prochaine génération d’expériences qui seront menées auprès du futur Supersynchrotron à protons (Super Proton Synchrotron – SPS), la Direction du CERN propose la création d’une nouvelle division, la division Installations de physique expérimentale (EF). Adolf joue un rôle majeur dans la restructuration des divisions Physique nucléaire et Chambres à traces. Il est élu à la tête de la nouvelle division EF, poste qui exige une grande autorité scientifique et technique, et pour lequel il a le respect inconditionnel de ses collaborateurs. Après avoir apporté un soutien aux principales installations relevant du programme à cible fixe du SPS, comme la Grande chambre à bulles européenne (Big European Bubble Chamber – BEBC), le spectromètre Omega et les expériences avec neutrinos et muons, notamment, sa nouvelle division est rapidement impliquée dans la réussite des expériences auprès du collisionneur proton-antiproton SPS.
En 1984, Adolf laisse sa place à la tête de la division EF et rejoint l’expérience ALEPH auprès du Grand collisionneur électron-positon (Large Electron-Positron Collider – LEP). Les expériences menées auprès du LEP représentent un pas de géant en termes de taille et de complexité par rapport aux précédentes et exigent de nouvelles structures organisationnelles. En tant que responsable du comité de direction d’ALEPH, Adolf joue un rôle essentiel dans la mise en place d’une organisation qu’il compare à « un orchestre, dans lequel il ne suffit pas que les instruments soient correctement accordés ; il faut aussi qu’ils s’harmonisent ». Toutefois, son véritable rôle en tant que « vétéran » s’étend bien au-delà de ses responsabilités organisationnelles. Ses qualités humaines sont tout aussi importantes ; elles sont en fait absolument remarquables, et Adolf est pour cela respecté aussi bien par les jeunes que par les plus âgés.
Adolf a porté un intérêt constant au centre de recherche allemand DESY, où il était grandement apprécié. Au début de l’année 1981, le groupe d’étude mené par Bjorn Wiik avait achevé le rapport de conception d’HERA, et le conseil scientifique de DESY établit un comité d’évaluation international pour en faire l’analyse détaillée. Adolf est alors invité à présider ce comité. Ses recommandations positives constituent une étape importante dans le processus d’approbation du projet HERA. Il préside le conseil scientifique de DESY de 1987 à 1990, pendant la phase principale de construction des anneaux de stockage et des détecteurs polyvalents H1 et ZEUS.
Adolf a quitté le CERN en 1996. Nous gardons de lui le souvenir d’un scientifique extrêmement bien organisé, à l’intelligence vive et profonde. Il n’avait pas peur de remettre en question les idées préconçues, et encourageait toujours les autres à faire de même. Il était aussi modeste et se souciait profondément de toutes les personnes qui l’entouraient, ainsi que de leurs familles.
Nous adressons nos sincères condoléances à Waltrud, l’épouse d’Adolf, ainsi qu’à leurs enfants et leurs familles.
Ses amis et collègues