Claude Détraz est né le 20 mars 1938 à Albi, dans le sud de la France. Diplômé de l’École Normale Supérieure, il est entré au CNRS en 1962, débutant sa carrière de chercheur dans l’étude des noyaux atomiques.
Claude Détraz a alors rejoint l’Institut de Physique Nucléaire d’Orsay, créé par Irène et Frédéric Joliot Curie, aujourd’hui réuni avec les laboratoires voisins d’Orsay au sein du Laboratoire de physique des 2 infinis « Irène Joliot-Curie » (IJCLab).
C'est au CERN, sur l’accélérateur Synchrotron à protons (PS), en collaboration avec l'équipe de Robert Klapisch, qu’il contribuera aux premières mises en évidence des déformations dans les noyaux exotiques proches des fermetures de couches. Fort de ces résultats, il se convainc que des faisceaux du GANIL pourraient aussi devenir un outil unique dans ce domaine.
Claude Détraz a été un grand scientifique, qui a joué un rôle majeur et a été un visionnaire pour la physique nucléaire et la physique des particules en France et en Europe. Directeur du GANIL (Grand Accélérateur National d’Ions Lourds à Caen) de 1982 à 1990, il a lancé les recherches sur les noyaux exotiques, impulsion qui demeure et pour un bon moment encore. Il a été l’un des principaux fondateurs de NuPECC (Nuclear Physics Collaboration Committee), dont il fut le premier président de 1989 à 1992, et qui s’est imposé comme le comité de coordination principal de la physique nucléaire en Europe.
En 1991, Claude Détraz a été conseiller technique au cabinet du ministre français de la Recherche, Hubert Curien, qui a ensuite présidé le Conseil du CERN lors de l’approbation du projet LHC en 1994. Par ses interventions à tous les niveaux des instances décisionnelles en France, Claude Détraz a efficacement contribué à faire approuver le projet LHC. Il a par exemple œuvré pour que Hubert Curien prenne la direction du Conseil du CERN. Ce dernier a exercé une influence majeure au cours de la phase finale de décision.
Directeur de l’IN2P3 (Institut National de Physique Nucléaire et des Particules au CNRS) de 1992 à 1998, il a lancé la France, en liaison étroite avec Robert Aymar d’abord, puis avec Catherine Cesarsky du CEA, dans l’aventure du LHC. Son engagement a été capital pour que la France et ses instituts prennent une place de tout premier plan dans ce projet.
En 1999, Luciano Maiani, directeur général du CERN, le nomme directeur de la recherche, en tandem avec Roger Cashmore, jusqu’en 2003. C’est une époque riche en événements pour le CERN avec l’arrêt du LEP, l’excavation des cavernes du LHC et le démarrage du projet de faisceau de neutrinos du CERN vers le laboratoire souterrain du Gran Sasso, auquel Claude a grandement contribué.
Tout au long de sa carrière, Claude Détraz a promu et favorisé les échanges entre disciplines scientifiques. Issu de la physique nucléaire, il a établi des passerelles avec la physique des particules. Il a également été l’un des artisans de l’émergence de l’astroparticule, discipline reliant les deux infinis.
Commandeur de l'ordre du Mérite, il a reçu de nombreuses distinctions françaises (prix Joliot-Curie de la SFP, médaille d'argent du CNRS) et étrangères (prix Gay Lussac-Humboldt de la Fondation Humboldt et docteur honoris causa JINR Doubna).
J’ai connu Claude Détraz pendant toute cette période GANIL, IN2P3, CERN, et même après. En plus du scientifique brillant et des hautes fonctions qu’il a exercées, j’ai pu apprécier l’homme « des Lumières » par son engagement, son efficacité, sa clairvoyance et son humanisme. D'une vaste culture et d'une très grande finesse, il s’exprimait de manière fleurie, convaincante et touchante. Pour moi, c'est une grande perte qui m'attriste énormément. Il a marqué notre génération.
Michel Spiro, président de l’Union internationale de physique pure et appliquée, président du Conseil de la Fondation CERN & Society, ancien directeur de l’IN2P3 et président du Conseil du CERN