Jack Steinberger, un géant de la discipline qui a tant contribué à l'édification expérimentale du Modèle standard, s'est éteint le 12 décembre 2020, à l'âge de 99 ans. Né en 1921 dans la ville de Bad Kissingen (Bavière), il quitte l'Allemagne à l'âge de 13 ans pour échapper à la montée de l'antisémitisme, et s'installe aux États-Unis. Après avoir obtenu un diplôme de chimie de l'Université de Chicago, il s'intéresse à la physique, travaillant au laboratoire des rayonnements du MIT pendant la guerre, avant de retourner à Chicago pour entamer une carrière en physique théorique. Cependant, sous la direction d'Enrico Fermi, il se tourne vers le côté expérimental de la physique, et mène, au sommet des montagnes, des recherches sur les rayons cosmiques. Ces recherches marquent le début de son intérêt pour la physique des neutrinos, et seront récompensées en 1988 par le prix Nobel de physique, qu'il partage avec Melvin Schwartz et Leon Lederman, pour la découverte, en 1962, des neutrinos du muon, au Laboratoire national de Brookhaven.
Jack rejoint le CERN en 1968 pour travailler sur les expériences de violation de CP. Dans les années 1970, il devient l'un des membres fondateurs de la collaboration CERN–Dortmund-Heidelberg–Saclay (CDHS), à laquelle se joint plus tard un groupe originaire de Varsovie, et mène dans la zone d'expérimentation Ouest du Laboratoire des expériences sur la diffusion des neutrinos. La collaboration CDHS, qui s'est poursuivie de 1976 à 1984, a fourni une série de résultats importants en utilisant des faisceaux de neutrinos pour étudier la structure des protons et des neutrons. Lorsque le Grand collisionneur électron-positon (LEP) est proposé pour la première fois, un groupe restreint de la collaboration CDHS coopère avec des physiciens d'autres instituts afin de concevoir un détecteur pour la nouvelle installation phare du CERN. Cette initiative deviendra l'expérience ALEPH, et Jack, avec sa grande curiosité scientifique et son exceptionnelle rigueur, est naturellement choisi en 1980 pour être son premier porte-parole, un poste qu'il occupera jusqu'en 1990. L'ensemble du projet porte la marque du leadership charismatique et de l’esprit clairvoyant de Jack qui, dès le départ, indique que des solutions standard doivent autant que possible être adoptées pour l'ensemble du détecteur. Il insiste également pour que toutes les solutions envisagées pour le détecteur soient d'abord parfaitement comprises. Ce niveau de discipline portera ses fruits pendant l’exploitation du LEP et se reflètera dans les résultats.
Bien qu'à la retraite, il venait régulièrement au CERN, où il a contribué à la vie intellectuelle du Laboratoire jusqu'à 90 ans passés, en s'intéressant notamment à nouveau à la violation de CP en tant que conseiller pour les expériences NA31, NA48 et NA62. Une nécrologie complète sera publiée dans le CERN Courier.
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Lisez aussi l'entretien de Jack avec le CERN Courier datant de 2016.