C'est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès de James Stirling, éminent physicien théoricien, le 9 novembre à son domicile de Durham, au Royaume-Uni, après une brève maladie. C'est une grande perte, non seulement pour sa famille, mais aussi pour ses nombreux amis et collègues de la communauté de la physique des particules. Ses contributions multiples au développement et à l'application de la chromodynamique quantique (CDQ) ont permis de confirmer la QCD comme théorie permettant de décrire l'interaction forte et de calculer avec précision des prédictions pour tous les types de processus dans les collisionneurs de hadrons tels que le LHC.
James est né à Belfast, en Irlande du Nord, et a étudié à Peterhouse, à l'Université de Cambridge, où il a obtenu son doctorat en 1979. Après avoir travaillé comme post-doctorant à l'université de Washington à Seattle et à Cambridge, il est venu au CERN, d'abord comme boursier, puis comme membre du personnel titulaire, avant de quitter l'Organisation en 1986 pour un poste de professeur à l'université Durham, qu'il a occupé jusqu'en 2008. Il est élu membre de la Royal Society en 1999. À Durham, il a joué un rôle majeur dans la fondation en 2000 de l'Institut de phénoménologie de la physique des particules de l'université, dont il a été le premier directeur. En 2005, il est élu vice-chancelier adjoint, chargé de la recherche. Invité à prendre le poste de Jacksonian Professor of Natural Philosophy du laboratoire Cavendish, il déménage à Cambridge en 2008, et devient le chef du département de physique de l'université en 2011. Puis, en 2013, il est nommé au poste nouvellement créé d'administrateur principal (provost) de l'Imperial College de Londres, qu'il a quitté en août dernier pour rentrer à Durham, où sa retraite a été tragiquement abrégée par la maladie.
James Sterling était un chercheur prolifique et méticuleux, ayant publié plus de 300 articles, dont certains comptent parmi les plus cités de tous les temps en physique des particules. Ses recherches, toujours très inspirées, se sont concentrées sur la confrontation des prédictions théoriques avec les résultats expérimentaux. Au fil des ans, il a effectué des recherches de pointe sur une vaste gamme de sujets phénoménologiques. Dès le début, lors de ses études à Cambridge, aux premières heures de la chromodynamique quantique, il avait étudié en détail le lien entre la diffusion profondément inélastique lepton-hadron et les processus hadron-hadron tels que la production de paires de leptons, ce qui l'a amené par la suite à travailler, à Durham, sur les distributions de partons. James a été le premier à calculer, en 1984 et en collaboration avec Christine Davies, la distribution resommée de l'impulsion transverse des bosons W et Z dans des collisions hadroniques à l'ordre logarithmique suivant l'ordre dominant. Il a également élaboré la méthode très efficace des amplitudes d'hélicité, avec Ronald Kleiss, alors qu'ils étaient tous deux au CERN. Cela leur a permis de montrer que les événements « monojet » observés au Collisionneur proton-antiproton du CERN, que l'on pensait être une signature possible de nouvelle physique, pouvaient s'expliquer par la production d'un boson vecteur associé à un jet. Depuis, la méthode a facilité le calcul de nombreux autres processus importants du Modèle standard.
Après s'être installé à Durham en 1986, James Sterling a collaboré durablement et de façon fructueuse avec Alan Martin, Dick Roberts, puis Robert Thorne. Leurs travaux ont notamment consisté à élaborer la méthode de référence pour déterminer les distributions de quarks et de gluons dans le proton, ce qui a conduit aux fonctions de distribution de parton MRS, MRST et MSTW, largement utilisées depuis. Ultérieurement, lorsque James est retourné à Cambridge, il s'est intéressé aux processus auxquels participent plusieurs partons de chaque hadron en collision (diffusion à double parton), permettant ainsi une analyse plus rigoureuse de ces processus.
James avait le don d'expliquer simplement des concepts et des idées compliqués. Il était très sollicité pour donner des allocutions d'ouverture ou de clôture lors des grandes conférences internationales en physique des particules. Son ouvrage intitulé QCD and Collider Physics rédigé avec Keith Ellis et Bryan Webber, est une référence depuis plus de 20 ans.
James était un homme discret et modeste, mais sa grande intelligence, associée à une très forte éthique de travail et à des compétences exceptionnelles en matière d'organisation, faisait qu'on lui demandait souvent conseil ou des services en matière d'administration. En 2006, James a été élevé à la dignité de Commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique par la reine, pour services rendus à la science.
Très respecté en tant que scientifique, James était également très apprécié comme ami, collègue et mentor. Il traitait tout interlocuteur, quel que soit son statut, avec le même respect, la même courtoisie et la même attention. Son caractère chaleureux, sa gentillesse et son humanité fondamentale ont profondément marqué tous ceux qui l'ont connu.
Alan Martin et Bryan Webber