Teresa Rodrigo Anoro, professeure de physique atomique et nucléaire à l'Université de Cantabrie, s’est éteinte paisiblement chez elle le 20 avril, des suites d'une longue maladie. Teresa Rodrigo était l'une des figures de proue de la communauté de la physique des particules et a joué un rôle clé dans l'élaboration des politiques espagnoles en la matière, notamment en encourageant la participation des femmes dans les sciences.
Teresa Rodrigo est née en 1956 à Lleida, en Espagne. Après avoir obtenu son bachelor en physique à l'Université de Saragosse, elle rejoint à Madrid La Junta de Energía Nuclear, un groupe de physique des hautes énergies (devenu aujourd'hui le CIEMAT), et obtient, en 1985, un doctorat sur la production de particules étranges auprès de l'expérience NA23 du CERN, sous la supervision d'Antonio Ferrando. Elle arrive ensuite au CERN pour participer au développement du calorimètre Uranium-TMP en vue d'améliorer l'expérience UA1 ; cette période coïncide avec son nouvel intérêt pour le quark top qui la conduira jusqu'à l'expérience CDF, menée au Fermilab. Elle y réalise la modélisation détaillée du bruit de fond W+jet, un élément essentiel pour la découverte du quark top. En 1994, Teresa accepte un poste de professeure à l'Institut de physique de Cantabrie (IFCA), à Santander, où elle lance un nouveau programme de recherche sur la physique des collisionneurs hadroniques, et associe le groupe IFCA à l'expérience CDF et à la collaboration CMS, nouvellement établie. Sous sa direction, le groupe poursuit ses travaux sur les propriétés du quark top et met sur pied un nouveau programme de recherche sur le boson de Higgs. Plus récemment, délaissant pour la première fois les faisceaux de hadrons, Teresa lance de nouveaux travaux de recherche sur les particules de matière noire légères auprès de l'expérience DAMIC. Consciente de l'importance du développement de technologies et de la construction de détecteurs pour la physique des hautes énergies, Teresa fait en sorte que son groupe participe à la construction du spectromètre à muons de CMS, notamment de son système d'alignement des muons, ainsi qu'à celle du détecteur ToF de l'expérience CDF.
Teresa était grandement reconnue par la communauté internationale de la physique des hautes énergies pour son approche scientifique et l'engagement fort dont elle faisait preuve dans tout ce qu'elle entreprenait. Elle a ainsi été élue présidente du Comité de la collaboration CMS (2011-2012), et a été membre de plusieurs comités en matière de directives scientifiques, y compris du Comité sur la physique des particules de haute énergie (HEPP) de la Société européenne de physique (2006-2013), et du Comité des directives scientifiques du CERN (2012-2017). Au-delà du monde universitaire, elle a été membre de plusieurs commissions scientifiques ministérielles espagnoles, et a participé au jury du prix Princesse des Asturies de la Recherche Scientifique et Technique. Elle était également titulaire d'un doctorat honoris causa de l'Université internationale Menéndez Pelayo, et a reçu la médaille d'argent de l'Université de Cantabrie, ainsi que le premier prix Julio Peláez, récompensant les femmes pionnières en sciences, entre autres distinctions.
L'influence qu'exerçait Teresa sur le groupe de physique des hautes énergies de Santander et sur l'Institut IFCA, qu'elle dirigeait il y a quelques mois encore, est toujours bien présente. Sous sa houlette, le groupe s'est considérablement développé tant en termes de personnel que d'infrastructures de recherche, ce qui lui a permis d'élargir grandement ses activités. Sous sa direction, l'institut a reçu la bourse Maria de Maeztu, la plus haute distinction d'excellence du système scientifique espagnol, ainsi que le prix pour l'égalité des genres du Conseil supérieur espagnol de la recherche scientifique (CSIC).
Les personnes qui ont eu la chance de connaître Teresa et de partager quelques-unes de ses passions scientifiques savent à quel point elle était aimable, accessible, droite et bienveillante, tout en faisant preuve d'un fort caractère, signe de la profonde honnêteté dont elle a toujours fait preuve, tant dans sa vie privée que professionnelle. L'héritage que nous lègue Teresa témoigne de son leadership, de sa vision et de sa capacité à aider ses collègues à progresser. Elle nous manquera beaucoup.
Nous présentons nos sincères condoléances à son époux Antonio et à sa famille.
Ses collègues et ses amis