Genève, le 11 octobre 2024. À sa deux cent dix-huitième session, le Conseil du CERN a conclu l'organisation du processus de la stratégie européenne avec la nomination du Groupe préparatoire sur la physique, chargé de préparer la contribution scientifique issue des éléments communiqués par la communauté. La stratégie européenne est placée sous l’égide du Conseil du CERN, autorité suprême de l'Organisation, composée de représentants de tous les États membres. Au cours des prochains dix-huit mois, toute la communauté travaillera à élaborer une vision commune pour le futur de la physique des particules en Europe, ce qui suppose, entre autres, de décider quel projet majeur devra prendre la suite du Grand collisionneur de hadrons au CERN. Ce processus devrait se conclure à la fin de l'année 2025 ; le Groupe sur la stratégie européenne soumettra ensuite ses recommandations au Conseil.
La physique des particules, qui étudie les constituants les plus infimes de la matière et les lois de la nature au niveau le plus fondamental, se trouve à la croisée des chemins. La découverte, en 2012, du boson de Higgs au Grand collisionneur de hadrons (LHC), au CERN, a apporté la dernière pièce manquante au Modèle standard de la physique des particules, théorie quantique puissante qui décrit trois des quatre forces fondamentales de la nature. Pourtant, malgré ses succès incomparables, le Modèle standard n'explique que 5 % de l'Univers et n'est pas capable de répondre à certaines questions restant en suspens. Ainsi, il ne rend pas compte de la « matière noire » invisible dont on peut observer l'influence sur le mouvement des galaxies, et n'explique pas la cause de l'accélération de l'expansion de l'Univers. Il n'explique pas non plus pourquoi matière et antimatière ne sont pas annihilées mutuellement dans les premiers moments du Big Bang, ne laissant qu'un magma informe de rayonnements. L'étude approfondie du boson de Higgs et d'autres particules élémentaires et l'exploration de la nature à des énergies plus élevées, au moyen de collisionneurs de prochaine génération, sera essentielle à l'élucidation de ces questions, et d'autres questions fondamentales.
« La découverte au LHC de la particule de Higgs et celle de plus de 70 nouveaux hadrons composites ont été les points saillants d'une décennie fantastique pour la physique des particules, marquée par les expériences menées au CERN, et cet élan se poursuivra au LHC et au LHC à haute luminosité jusqu'en 2041. Les chercheurs du monde entier s'accordent à dire q'une étude plus approfondie du boson de Higgs aboutira certainement à des résultats scientifiques très importants, et le Conseil du CERN soutient unanimement l'idée que le CERN devra continuer à proposer un programme d’expériences scientifiques des plus ambitieux en physique des hautes énergies, à l'aide des meilleures technologies possibles. La communauté et le Conseil attendent par conséquent avec impatience les recommandations du Groupe sur la stratégie européenne sur la meilleure voie à prendre», a déclaré Eliezer Rabinovici, Université hébraïque de Jérusalem, président du Conseil du CERN.
La troisième mise à jour de la stratégie européenne pour la physique des particules a été lancée par le Conseil du CERN le 21 mars. En juin, le Conseil a élu M. Karl Jakobs, de l'Université de Fribourg-en-Brisgau, secrétaire de la stratégie, et a mis sur pied le Groupe sur la stratégie européenne, chargé de soumettre au Conseil pour approbation, début 2026, des recommandations finales. D'après le mandat du Groupe sur la stratégie européenne, la mise à jour de la stratégie a pour objectif d'élaborer « un plan visionnaire et concret qui permette de faire avancer de manière importante la connaissance humaine dans le domaine de la physique fondamentale par la réalisation du prochain projet phare du CERN ».
La précédente mise à jour de la stratégie, achevée en 2020, recommandait que l’Europe, avec ses partenaires internationaux, étudie la faisabilité technique et financière d’un futur collisionneur de hadrons d’une énergie d’au moins 100 TeV dans le centre de masse au CERN, avec, comme première phase éventuelle, la construction d’une usine à Higgs et de production électrofaible sous la forme d’une machine électron-positon.
Depuis lors, des progrès significatifs ont été accomplis, et un consensus international a été atteint sur la justification scientifique d'une usine à Higgs. Un rapport à mi-parcours sur l'étude de faisabilité d’un Futur collisionneur circulaire (FCC), réalisé en plusieurs phases, au CERN a été présenté en mars 2024, un rapport final étant attendu au printemps 2025. En décembre 2023, un travail rigoureux de planification mené aux États-Unis a fait du soutien à une usine à Higgs située en dehors des États-Unis une priorité. Ce rapport a été suivi, en avril 2024, d'une déclaration d'intention commune du CERN et du gouvernement des États-Unis, évoquant la poursuite de la collaboration sur l'étude de faisabilité pour l'usine à Higgs du projet FCC (FCC-ee) et sur sa construction et son exploitation pour la physique, au cas où les États membres du CERN décideraient que le FCC-ee constitue la prochaine installation de classe mondiale au CERN.
« Étant donné les longues durées que suppose la construction de grands collisionneurs, il est vital que la communauté s'unisse pour permettre au Conseil de prendre une décision sur le prochain collisionneur au CERN en 2027-2028. Les progrès concernant le LHC sont excellents, et il n'apparaît aucun indice susceptible de changer nos priorités pour la physique : comprendre beaucoup mieux le boson de Higgs et explorer plus avant les hautes énergies, deux axes essentiels du prochain projet » , a déclaré Karl Jakobs, Université de Fribourg-en-Brisgau, secrétaire de la stratégie.
La mise à jour de la stratégie devra indiquer quelle est l’option privilégiée pour un nouveau collisionneur au CERN, mais aussi hiérarchiser les autres options possibles au cas où la première s’avérerait non réalisable ou non compétitive. Elle indiquera également les domaines de priorité pour une exploration scientifique complémentaire à celle des collisionneurs, ainsi que d'autres éléments jugés pertinents dans ce contexte. Parmi ceux-ci figurent la R&D sur les accélérateurs, les détecteurs et l'informatique, les nouveaux horizons de la théorie, les mesures permettant de limiter l’impact sur l’environnement et d’améliorer la durabilité de la physique des particules s’appuyant sur des accélérateurs, les initiatives permettant d’attirer, de former et de retenir les chercheurs en début de carrière, ainsi que les actions de communication auprès du grand public.
Lors de sa session de septembre, le Conseil a nommé les membres du Groupe préparatoire sur la physique, qui préparera une contribution scientifique aux travaux du Groupe sur la stratégie européenne en s'appuyant sur les points de vue recueillis au sein de la communauté. Le Conseil a également annoncé qu'un Symposium scientifique public sur la stratégie, durant lequel les chercheurs seront invités à débattre des orientations futures de la physique des particules en Europe, aura lieu à Venise du 23 au 27 juin 2025.
« Cette année, nous célébrons sept décennies de progrès décisifs dans les domaines de la science fondamentale et de la technologie au CERN, obtenus grâce à la collaboration internationale. Ce succès est le résultat de la culture particulière du CERN et de la hardiesse de sa communauté, qui entreprend des projets situés à la limite des capacités humaines. Il a été rendu possible par le soutien de nos États membres et États membres associés, et de nos partenaires d'autres régions du monde. Les projets du futur seront encore plus ambitieux, mais leur impact attendu sur la physique et la technologie sera immense. L'avenir du CERN et de la discipline s'annonce brillant », a déclaré Fabiola Gianotti, directrice générale du CERN.
Pour en savoir plus :
Site web consacré à la mise à jour de la stratégie (en anglais) : europeanstrategyupdate.web.cern.ch/welcome
Mise à jour 2020 de la stratégie : https://cds.cern.ch/record/2721051
Qu'est-ce que la stratégie européenne pour la physique des particules ?
La stratégie européenne pour la physique des particules est le résultat d'un processus ouvert et inclusif, s'appuyant sur des éléments factuels et tenant compte du contexte mondial de la physique des particules et des évolutions dans des domaines connexes. Elle a été lancée par le Conseil du CERN en 2005, date à laquelle l'achèvement du Grand collisionneur de hadrons (LHC) a été placé en tête des priorités scientifiques. La première mise à jour de la stratégie, adoptée en 2013, continuait à donner la priorité au LHC et au relèvement de sa luminosité, et indiquait que l’Europe devait être en mesure de proposer un ambitieux projet d’accélérateur post-LHC au CERN d’ici à la mise à jour suivante de la stratégie. La deuxième mise à jour, achevée en 2020, recommandait qu'une « usine à Higgs » sous la forme d'un collisionneur électrons-positons soit la priorité en ce qui concerne la prochaine installation, et que, à plus long terme l'Europe ait l'ambition d'exploiter un collisionneur proton-proton aux plus hautes énergies atteignables.
Le processus de la troisième mise à jour a été lancé le 21 mars 2024, la communauté étant invitée à apporter des contributions écrites d'ici au 31 mars 2025. Il y aura ensuite, du 23 au 27 juin 2025, à Venise, un Symposium scientifique public, durant lequel la communauté sera invitée à débattre des orientations futures de la physique des particules en Europe. Un « Cahier d’information », reposant sur ces contributions et discussions, sera ensuite établi par le Groupe préparatoire sur la physique. Ce document sera soumis au Groupe sur la stratégie européenne d’ici à fin septembre 2025 pour être examiné lors d'une réunion de rédaction de cinq jours, prévue du 1er au 5 décembre 2025. Le Groupe sur la stratégie européenne devra soumettre au Conseil la proposition de mise à jour de la stratégie d’ici à la fin janvier 2026.