L'expérience LHCb au CERN a présenté une nouvelle découverte lors de la Conférence sur la physique des hautes énergies de la Société européenne de physique (EPS-HEP). La nouvelle particule découverte par LHCb, appelée Tcc+, est un tétraquark ̶ hadron exotique contenant deux quarks et deux antiquarks. Il s'agit là de la particule de matière exotique à la durée de vie la plus longue découverte à ce jour, et la première à contenir deux quarks lourds et deux antiquarks légers.
Les quarks sont les constituants de base de la matière. Ils s'assemblent pour former des hadrons, à savoir des baryons, comme le proton et le neutron ̶ composés de trois quarks ̶ et des mésons, formés de paires quark-antiquark. Ces dernières années, un certain nombre de hadrons dits exotiques ont été découverts ̶ des particules composées de quatre ou cinq quarks au lieu des deux ou trois habituels. La nouvelle particule découverte est un hadron exotique unique en son genre, un hadron exotique lui-même exotique, en quelque sorte.
La nouvelle particule contient deux quarks c ainsi qu'un antiquark u et un antiquark d. Plusieurs tétraquarks ont été découverts ces dernières années (dont un composé de deux quarks c et deux antiquarks c), mais il s'agit du premier tétraquark à contenir deux quarks c, sans antiquark c de compensation. C'est ce que les physiciens appellent le « charme ouvert » (en l'occurrence le « double charme ouvert »). Les particules contenant un quark c et un antiquark c ont un « charme caché » ̶ la somme du nombre quantique de charme pour toute la particule est égale à zéro, un peu comme le serait la somme d’une charge électrique positive et d’une charge électrique négative. Dans cette nouvelle particule, le nombre quantique de charme est égal à deux ; la particule a donc deux fois plus de charme !
En plus de présenter un double charme ouvert, le quark Tcc+ possède d'autres caractéristiques intéressantes. Il s'agit de la première particule découverte à ce jour appartenant à une catégorie de tétraquarks comportant deux quarks lourds et deux antiquarks légers. Ces particules se désintègrent pour se transformer en une paire de mésons, chacun formé par l’un des quarks lourds et l’un des antiquarks légers. Selon certaines prédictions théoriques, la masse de ce type de tétraquark devrait être très proche de la somme des masses des deux mésons. Cette proximité rend la désintégration « difficile », ce qui se traduit par une durée de vie particulièrement longue pour la particule ; et, effectivement, Tcc + est le hadron exotique à la plus longue durée de vie observé à ce jour.
Cette découverte ouvre la voie à la recherche de particules plus lourdes du même type, dans lesquelles un ou deux quarks c sont remplacés par des quarks b. Une particule composée de deux quarks b est particulièrement intéressante : selon les calculs, sa masse devrait être inférieure à la somme des masses de n'importe quelle paire de mésons B. Cela rendrait la désintégration non seulement improbable, mais dans les faits impossible : en effet, la particule ne pourrait pas se désintégrer via l'interaction forte ; elle devrait plutôt le faire via l'interaction faible, ce qui allongerait sa durée de vie de plusieurs ordres de grandeur par rapport à celle des hadrons exotiques précédemment observés.
Le nouveau tétraquark Tcc+ ouvre des perspectives de recherche passionnantes. Toutes les particules dans lesquelles il se désintègre sont relativement faciles à détecter ; de plus, la quantité d'énergie pendant la désintégration étant faible, il est possible de déterminer avec une excellente précision la masse de cette particule fascinante, et d'en étudier les nombres quantiques. Cela permettrait de tester de manière rigoureuse les modèles théoriques existants et pourrait même ouvrir la voie à l'étude d'effets auparavant hors de portée.
_____
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site web de l'expérience LHCb et le CERN Courier.