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Nouvelles du LS2 : le faisceau du PS se fait un film

Un nouveau détecteur de profil de faisceau, installé le mois dernier dans le Synchrotron à protons (PS), permettra de mieux comprendre la dynamique des faisceaux du PS

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BGI Beam profile monitor
Le détecteur de profil de faisceau BGI assemblé attendant son installation dans le Synchrotron à protons. (Image: CERN)

Comment suivre à la trace un faisceau de particules capable de détruire sur son passage n'importe quel appareil ? Face à ce problème difficile, des scientifiques et des ingénieurs avaient trouvé, dans les années 1960, une solution étonnamment simple. Pour recueillir des informations sur la taille et la position du faisceau, ils avaient imaginé un dispositif détectant des traces des quelques particules résiduelles présentes dans le vide du tube de faisceau et ionisées par le faisceau accéléré. Soixante ans plus tard, une équipe dirigée par James Storey (chef de la section Zones expérimentales, faisceau d’électrons, moniteurs de profils à ionisation ou collisions inélastiques, dans le groupe Instrumentation de faisceau) a repris ce concept en l'améliorant avec une technologie CERN de pointe. L'installation de ce nouveau détecteur de faisceau haute résolution dans le Synchrotron à protons (PS), le mois dernier, contribue à préparer ce vénérable injecteur du LHC pour les prochaines campagnes du LHC et pour le LHC à haute luminosité.

Mettre au point un détecteur de profil de faisceau, ce n'est pas simple, car, au moment où ils prennent leurs mesures, ces appareils risquent toujours, soit de détruire le faisceau, soit d'être détruits par les particules de haute énergie. Depuis plusieurs décennies, la solution retenue par le CERN a été de recourir à un scanner de faisceau à fil, dispositif permettant de mesurer la taille du faisceau en faisant passer dedans un fil ultra fin, afin de réaliser un instantané de son état. Avec le développement du détecteur de profil de faisceau BGI (Beam Gas Ionisation - ionisation des gaz dans le faisceau), dans le cadre du projet d'amélioration des injecteurs du LHC (projet LIU), on abandonne les instantanés pour passer à un film, ce qui permet de préserver la qualité du faisceau. La technologie sur laquelle s'appuie le dispositif repose sur la détection des particules résiduelles inévitablement présentes dans le vide poussé du tube de faisceau, particules qui sont ionisées lorsque le faisceau passe dans le tube. Les particules chargées sont envoyées sur ce dispositif par des champs électromagnétiques, et directement enregistrées par des détecteurs à pixels hybrides Timepix3. On déduit la taille du faisceau à partir de la répartition des électrons détectés en temps réel, et les données sont organisées de façon à produire une séquence vidéo montrant l'évolution de la taille du faisceau.

La mise au point du détecteur de profil de faisceau BGI est le résultat d'une collaboration entre des groupes du secteur ATS et du département EP. Le dispositif est une innovation dans le domaine de l'instrumentation de faisceau, à plusieurs titres : première installation d'un détecteur à pixels hybride à l'intérieur d'un tube de faisceau d'accélérateur, première observation en continu de paquets spécifiques et excellente résolution des images. James Storey, chef de projet pour le détecteur BGI, souligne le rôle central joué par la puce Timepix3 dans cette remarquable avancée technologique : « C'était une formidable aventure d'arriver à exploiter la technologie Timepix3, développée par la collaboration Medipix, pour produire un appareil de mesure ultramoderne, sur la base de cette élégante technique de diagnostic de faisceau, qui a quand même 60 ans. Nous espérons ainsi fournir à nos collègues des accélérateurs de nouveaux systèmes ultrarapides pour surveiller le faisceau. »

L'image haute résolution du faisceau aidera également les opérateurs de faisceau du PS à préparer le faisceau pour le futur HL-LHC : « Assurer une surveillance étroite de la taille du faisceau en amont, dans les injecteurs, sera crucial pour qu'on puisse avoir la luminosité la plus élevée possible en aval, dans le HL-LHC. Il faut garder les paquets de particules aussi compacts que possible, dans toute la chaîne d'accélérateurs », explique Hampus Sandberg, qui, avec sa collègue Swann Levasseur, s'est consacré à ce projet en qualité d'étudiant technique, puis de doctorant, et enfin de boursier. Pour James, Hampus et Swann, l'installation du système marque la fin de nombreuses années de travaux de développement ardus. « C'est un soulagement immense de pouvoir passer la main aux opérateurs », précise Swann avec un grand sourire. Ainsi, le CERN franchit une nouvelle étape importante sur la voie de la haute luminosité.