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Herwig Schopper (1924 – 2025)

Man in front of a map

Herwig Schopper, en 1982, devant le tracé du futur Grand collisionneur électron-positon (LEP), dont la construction avait été approuvée l'année précédente. (Image : CERN)

Herwig Schopper, directeur général du CERN de 1981 à 1988, s’est éteint le 19 août à l’âge de 101 ans. Éminent physicien, diplomate visionnaire, il a largement contribué à façonner le paysage de la physique fondamentale en Europe et à faire du CERN le prestigieux laboratoire que nous connaissons aujourd’hui.

Titulaire d’un doctorat en optique de l’Université de Hambourg en 1951, Herwig Schopper s’est tourné ensuite vers la physique nucléaire, puis la physique des particules, en menant des travaux dans plusieurs laboratoires européens. Il a notamment travaillé sur l’interaction faible à l’Institut royal de technologie de Stockholm (Suède), sous la direction de Lise Meitner. Professeur à l’Université d’Erlangen à partir de 1954, il passe une année sabbatique à Cambridge (Royaume-Uni), avant de d’être nommé professeur à l’Université de Mayence en 1957. À l’époque, l’Allemagne reconstruisait ses infrastructures de physique fondamentale, avec notamment la fondation à Hambourg, en 1959, du nouveau centre de recherche DESY, où les premiers accélérateurs de l’institut étaient en gestation. Herwig Schopper contribua grandement à cet essor. En 1960, il rejoint l’Université Cornell aux États-Unis pour mener des recherches auprès d’un puissant synchrotron à électrons. L’année suivante, il prend la direction de l’Institut de physique nucléaire de l’Université de Karlsruhe. En 1973, il est nommé directeur de DESY, poste qu’il occupa jusqu’en 1981. Sous son impulsion, plusieurs accélérateurs furent développés et mis en service.

Parallèlement à sa brillante carrière en Allemagne, il s’associa aux recherches du CERN dès les années 1960, occupant plusieurs postes stratégiques dès les années 1970 : chef de la Division de physique nucléaire entre 1970 et 1971, président du Comité des ISR de 1973 à 1976, puis membre du Comité des directives scientifiques de 1978 à 1980.

Le 1er janvier 1981, Herwig Schopper prit ses fonctions de directeur général du CERN, alors que le Conseil du CERN venait de décider qu’il n’y aurait plus deux laboratoires distincts, lui confiant la tâche réunir le Laboratoire I et le Laboratoire II. Le Conseil étudiait également un projet de construction du plus puissant accélérateur du monde, le Grand collisionneur électron-positon (LEP).

C’est au nouveau directeur général qu’incomba la tâche de mettre en place une nouvelle structure de direction pour le CERN et de préparer l’approbation du projet LEP. Des décisions impopulaires étaient inévitables, ce qui rendirent les premières années de son mandat quelque peu difficiles. Pour que le LEP soit approuvé, des sacrifices furent nécessaires. Dans les Anneaux de stockage à intersections (ISR), unique collisionneur d'hadrons du monde, les faisceaux entrèrent en collision pour la dernière fois en 1983 et l'ensemble du programme de recherche fut soumis à des réductions.

Il lui fallut imposer ses décisions, non seulement devant l'organe directeur du Laboratoire, mais aussi face à des avis contraires de certains de ses collègues scientifiques au sujet de la dimension du nouvel accélérateur. Se fiant, comme toujours, à son instinct, il insista pour que le tunnel du LEP ait une circonférence de 27 km, et non 22 km, dimension plus modeste qui aurait permis de répondre immédiatement aux objectifs de recherche, tout en évitant les difficultés liées conditions géologiques difficiles de la zone située sous le Jura. Herwig Schopper, lui, voyait plus loin : il pensait à la machine qui succéderait un jour au LEP, le LHC.

Ainsi, n’hésitant pas à prendre des décision difficiles il a, au cours de son mandat, jeté les bases du laboratoire que nous connaissons aujourd’hui.

Herwig Schopper contribua par ailleurs à l’élargissement international du CERN et fut l’un des artisans du modèle de coopération internationale des expériences du LEP, qui inspira le fonctionnement actuel des grandes collaborations.

La mise hors service des ISR a peut-être été impopulaire, mais c'est sous le mandat d’Herwig Schopper que le CERN, grâce à son collisionneur SPS, fut pour la première fois mis à l’honneur par un prix Nobel, Carlo Rubbia et Simon van der Meer obtenant cette récompense en 1984 pour la découverte des bosons W et Z.

Herwig Schopper eut 65 ans deux mois après la fin de ses fonctions de directeur général du CERN, mais jamais il ne pensa à prendre sa retraite. Il continua à œuvrer pour la science en assumant des responsabilités de haut niveau, participant aux conseils scientifiques de plusieurs laboratoires, et présidant la Société allemande de physique, puis la Société européenne de physique. L’une de ses grandes réussites fut SESAME, le Centre international de rayonnement synchrotron pour les sciences expérimentales et appliquées au Moyen-Orient, dont il fut l’un des fondateurs et le premier président du Conseil.

Infatigable ambassadeur de la science fondamentale, Herwig Schopper a continué de s’intéresser au devenir de sa discipline et d’apporter son appui à ses successeurs en les faisant bénéficier de sa vision et de sa grande expérience. Jusqu’à ses derniers instants, Herwig Schopper a continué à suivre de près l’activité du CERN.

« Nous avons perdu un éminent physicien et l’un des grands artisans de la réussite du CERN et de notre discipline, et aussi quelqu’un qui incarnait véritablement les valeurs de notre Laboratoire. Nous perdons également un ami très proche, qui se distinguait par son esprit, son engagement et sa bienveillance, a souligné Fabiola Gianotti, directrice générale du CERN. Il restera à jamais dans nos mémoires ».

Une nécrologie complète sera publiée dans le courant de l’année dans la revue CERN Courier.

 

 

Vidéo filmée à l'occasion du 100e anniversaire d'Herwig Schopper en février 2024. (Vidéo : CERN)