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La deuxième période d'exploitation s’achève avec succès

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La deuxième période d'exploitation du LHC a pris fin le 3 décembre, après trois années fantastiques. Au cours de cette deuxième période, notre machine phare est arrivée véritablement à maturité. L'accélérateur, les détecteurs et l'informatique LHC ont tous fonctionné avec une régularité de métronome, tout en démontrant une polyvalence exceptionnelle lors de plusieurs exploitations spéciales. Outre des protons et des ions plomb, le LHC a également fait entrer en collision des ions xénon afin de nous apporter des données supplémentaires pour mieux comprendre les mystères du plasma quarks-gluons.

Au point 8, grâce à l'installation dans le tube de faisceau d'une cible à jet de néon, LHCb a pu recueillir en même temps des données issues de collisions proton-proton et des données issues de collisions proton-néon sur cible fixe. Les données proton-néon recueillies permettent d'étudier des effets nucléaires lors de processus de production de particules ; les scientifiques de LHCb peuvent ainsi explorer la physique des collisions des protons des rayons cosmiques avec les atomes de gaz dans la haute atmosphère.

Des campagnes spécifiques proton-proton, proton-plomb et plomb-plomb ont également eu lieu, dont certaines avec des énergies de collision nucléon-nucléon dans le centre de masse a priori étonnantes, réglées par exemple sur 5,02 TeV. Ces campagnes étaient destinées à faire le lien entre l’ensemble de données sur les ions lourds issu de la première exploitation et celui issu de la deuxième exploitation, ainsi qu'à permettre des comparaisons entre les données issues des trois types de collisions. Il faut également relever que, lors de la deuxième période d'exploitation, les quatre expériences ont enregistré des données avec des ions lourds : le fait d’avoir élargi leur palette à de nouvelles analyses témoigne d'une grande maturité, et renforce la portée globale du programme de physique du LHC.

La découverte décisive du boson de Higgs au cours de la première période d'exploitation a ouvert la voie à un programme de physique incroyablement riche et varié. Au cours de la deuxième période, nous avons amélioré nettement notre connaissance du boson de Higgs, notamment ses modes de couplage aux quarks et leptons de troisième génération, les plus lourds, ce qui a permis d'établir le couplage de Yukawa comme un terme distinct dans le lagrangien du Modèle standard – popularisé par la formule représentée sur les t-shirts vendus au magasin du CERN. Le couplage du Higgs au quark top a été un grand plus : les expériences LHC n'étaient pas censées pouvoir le mesurer avant l'enregistrement d'un grand volume de données supplémentaires. Cette mesure précoce témoigne des progrès importants réalisés par les expériences pour affiner leurs techniques d'analyse.

Grâce à la deuxième période d'exploitation, nous connaissons à présent les masses du boson de Higgs, du quark top et du boson W avec une précision nettement plus grande. Ces mesures sont importantes pour fixer des repères stabilisant le Modèle standard. En ce qui concerne la violation de CP, la deuxième période d'exploitation a permis d'améliorer grandement nos mesures concernant la matrice Cabibbo-Kobayashi-Maskawa (CKM). Durant le long arrêt de la machine, les équipes seront occupées à analyser le grand volume de données collectées. Des résultats prometteurs pourraient se faire jour, si les premiers indices relevés ne s’avèrent pas être de simples aléas statistiques. Par exemple, dans la physique des saveurs, qui explore les transitions rares entre différentes générations de particules, nous disposons déjà de suffisamment de données pour entrevoir des effets subtils. Les recherches directes de physique nouvelle se révélant pour l'instant infructueuses, ces types de mesures pourraient montrer la voie vers une physique au-delà du Modèle standard.

Les grandes expériences LHC n'ont pas été les seules à obtenir des résultats intéressants au cours de la deuxième période d'exploitation. Les expériences à petits angles ont elles aussi apporté d'importantes contributions. Elles nous ont replongés dans une époque lointaine, où le CERN était encore un jeune laboratoire, une époque où le poméron, inventé au début des années 1960, et l'oddéron, inventé à la fin des années 1970, étaient familiers des étudiants en physique des particules. Ces particules hypothétiques, considérées plus tard comme étant composées d'un nombre pair ou impair de gluons associés temporairement, ont été proposées pour décrire la diffusion élastique. Même si la mesure de précision réalisée récemment au LHC n'est pas une preuve tangible, elle constitue un indice solide validant en partie le modèle de l’oddéron.

Les nombreuses facettes de la physique du LHC, notamment toutes celles qui ont été révélées au cours de la deuxième période d'exploitation, font la beauté du LHC ; toutefois, tout cela ne serait pas possible sans des accélérateurs exceptionnels. En fait, le LHC fonctionne tellement bien qu'il nous ferait presque oublier son incroyable complexité et le miracle d’ingéniosité qu’il représente. Non content de fonctionner harmonieusement à 13 TeV et de produire une luminosité plus élevée que l'objectif ambitieux que nous nous étions fixé, le LHC a jonglé avec des combinaisons de particules spécifiques et des énergies précisément ajustées. En un mot, il s'est imposé comme un instrument remarquablement polyvalent.

Nous avons vécu un moment très fort lorsque la deuxième période d'exploitation a pris fin et que le vénérable Linac 2 a livré au LHC ses derniers protons. Depuis 1978, le Linac 2 n'a cessé de fournir des faisceaux à toutes les expériences avec protons du CERN. C’était un maillon essentiel de la chaîne d'injection de protons. Sans lui et sa remarquable performance, et sans la performance tout aussi remarquable de l'ensemble de la chaîne d'injection, le LHC n'aurait pas pu obtenir durant la deuxième période d'exploitation tous ces excellents résultats.

La deuxième période d'exploitation a considérablement fait progresser notre connaissance et, à l'aube du long arrêt, une conclusion s'impose. Les données de physique recueillies à ce jour mettent en évidence plus que jamais la nécessité de disposer du LHC à haute luminosité et d'atteindre l'énergie nominale de 14 TeV. Le prochain arrêt technique, le LS2, est celui destiné au projet d'amélioration des injecteurs du LHC, ou LIU. Tous les préparatifs minutieux visant à remplacer le Linac 2 par le Linac 4, ainsi que les améliorations concernant l'ensemble de la chaîne – sources de particules (protons et ions), Booster, PS et SPS – se concrétiseront au cours des deux prochaines années. Cette période d'arrêt, qui vise à préparer notre avenir, s'annonce très active, mais nous nous réjouissons déjà de l'échéance suivante : 2021 et le début de la troisième période d'exploitation.