View in

English

ISOLDE fête ses 30 ans auprès du Booster du Synchrotron à protons

Author

Sean Freeman is the spokesperson of the ISOLDE collaboration

Depuis que l'installation a été transférée du Synchrocyclotron au Booster du Synchrotron à protons en 1992, ISOLDE s'est constamment réinventée afin de repousser les limites de la science avec des faisceaux radioactifs

ISOLDE (Isotope Separator On-Line - séparateur d’isotopes en ligne), l'installation qui fournit des faisceaux radioactifs au CERN, a franchi une étape importante : 30 ans de science de premier plan en utilisant des protons issus du Booster du Synchrotron à protons (PSB). Le 26 mai 1992, une cérémonie était organisée pour célébrer le transfert de l'installation d'expérimentation du Synchrocyclotron (SC) du CERN au PSB. Les invités furent accueillis par Carlo Rubbia, alors directeur général du CERN, et Björn Jonson (Université de technologie Chalmers), président du comité ISOLDE, donna une présentation sur le potentiel d'une nouvelle physique, tandis que Claude Détraz, directeur de l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3), expliqua l'importance d'ISOLDE pour la physique nucléaire européenne. Carlo Rubbia conclut la cérémonie en appuyant sur le bouton qui lança le « premier faisceau ». Les expériences auprès de la nouvelle installation commencèrent dès le mois de juin 1992.

Depuis 1967, ISOLDE fonctionnait avec succès avec des protons de 600 MeV issus du Synchrocyclotron. En constatant que des noyaux implantés pouvaient servir à sonder l’environnement de l’état solide, ses objectifs initiaux en physique nucléaire se sont étendus pour inclure des mesures atomiques – en utilisant des méthodes optiques, puis des lasers pour étudier les structures hyperfines des noyaux radioactifs, ainsi que la physique de la matière condensée.

Dès les années 1980, alors que le SC atteignait la fin de sa durée de vie, l'influence et l'importance de la physique d'ISOLDE persuadèrent la Direction du CERN d'autoriser la construction d'une nouvelle version de la machine, au sein du complexe d’accélérateurs du CERN, et de la relier au PSB. En effet, cette entreprise scientifique ne pouvait que tirer profit des énergies plus élevées des protons issus du PSB (initialement de 1 GeV, puis de 1,4 GeV), qui permettraient d’augmenter le rendement des noyaux radioactifs produits, améliorant ainsi la qualité et la portée des mesures scientifiques réalisées. Quant à ISOLDE elle-même, au-delà d'un taux de production plus élevé de noyaux, l’intégration de l’installation dans la chaîne principale d'accélérateurs du CERN laissait présager un avenir long et prometteur.

Depuis 1992, quantité de résultats ont été obtenus grâce à la renaissance d'ISOLDE en tant qu'installation majeure au PSB, bénéficiant d’une énergie de proton plus élevée et de faisceaux pulsés d’ions radioactifs plus intenses, et davantage d'espace dans le hall d’expérimentation. Ce nouveau potentiel a tout d'abord permis de conduire des études pionnières sur les noyaux à halo, puis de nouvelles innovations ont rapidement élargi le programme, notamment des mesures de précision des masses nucléaires grâce à de nouvelles techniques de piégeage d'ions.

Au fil du temps, ISOLDE a maintenu sa position à la pointe de la science en mettant régulièrement à niveau son installation et ses lignes de faisceaux. Des progrès importants ont été réalisés dans le domaine des cibles de production et des sources d'ions et, surtout, dans celui de l'ionisation par laser, qui a amélioré la pureté des faisceaux. Ces développements ont contribué à augmenter la variété des isotopes pouvant être produits, élargissant ainsi la portée scientifique de l'installation, qui englobe désormais l’étude de la structure, des réactions et de l'astrophysique nucléaires ; les interactions fondamentales ; la physique atomique et moléculaire ; la science des matériaux, ainsi que certains aspects des sciences de la vie et de la médecine nucléaire.

Ré-accélérer les faisceaux de radio-isotopes ainsi produits à de plus hautes énergies pour produire des réactions nucléaires dans différentes cibles a été une nouvelle étape et une innovation majeure, augmentant encore le programme scientifique d'ISOLDE tout en favorisant le développement de nouvelles techniques d’expérimentation. À partir de 2001, dans une nouvelle extension du hall existant alors, le post-accélérateur REX-ISOLDE a commencé à fournir des faisceaux à 2,2 MeV/u, permettant l'excitation électromagnétique des noyaux radioactifs (excitation Coulombienne). La désintégration gamma correspondante, mesurée par un système de détecteurs adapté (MiniBall), a révélé de nombreuses surprises quant aux formes possibles que les isotopes exotiques peuvent adopter (comme illustré ici). Ces premiers succès ont conduit à élever encore l’énergie des faisceaux post-accélérés, afin de dépasser la barrière Coulombienne et de permettre l'étude des réactions nucléaires de noyaux exotiques. Pour cela, un nouvel accélérateur linéaire supraconducteur a été conçu, HIE-ISOLDE, qui fournit des faisceaux depuis 2015 avec un maximum atteint de 10 MeV/u en 2018. Parmi les nouvelles techniques mises au point pour accompagner ces faisceaux de plus haute énergie figure un nouveau spectromètre solénoïdal, utilisé pour la première fois juste avant le deuxième long arrêt du CERN (LS2) pour étudier l'évolution des couches superposées de la structure nucléaire et les réactions nucléaires présentant un intérêt pour l'astrophysique.

Au fur et à mesure que ses capacités scientifiques augmentaient, l'installation attirait de nouveaux utilisateurs. La solide collaboration scientifique, vantée par Carlo Rubbia en 1992, composée alors de 300 utilisateurs et à laquelle huit pays membres participaient, s'est développée depuis et compte à présent plus de 900 utilisateurs, ainsi que le double des pays qui ont signé le protocole de collaboration.

À moyen terme déjà, ISOLDE porte de nouvelles ambitions, avec notamment la possibilité d’augmenter encore sa production de noyaux radioactifs, ce que des faisceaux de protons extraits à 2 GeV rendrait possible. Sur le long terme, la collaboration a pour ambition d’améliorer le potentiel scientifique de son installation afin de diversifier le programme scientifique et d'accroître son potentiel de découvertes. Avec encore des améliorations ingénieuses et innovantes à venir, le futur d'ISOLDE sera aussi illustre que son passé.