Toutes mes félicitations aux organisateurs de la conférence EPS-HEP 2017, qui s’est tenue la semaine dernière à Venise. Cette excellente conférence, qui a abordé des domaines très divers, a abouti à une conclusion sans appel : les nombreuses disciplines qui constituent la physique fondamentale se rejoignent de plus en plus. En effet, la physique des particules, l'astrophysique et la cosmologie s’intéressent depuis toujours à des questions similaires concernant l'origine de l'Univers.
Aujourd'hui, elles sont de plus en plus liées les unes aux autres, et apportent des approches complémentaires pour la résolution des énigmes.
Je commencerai par évoquer la contribution du CERN à la conférence. EPS-HEP a été la première grande conférence où a été présenté l'ensemble complet des données du LHC enregistrées en 2016. Ces données sont prometteuses à bien des égards. Les résultats obtenus sur la théorie électrofaible ont montré la précision extraordinaire qui peut être atteinte par les expériences LHC, ce qui est de bon augure pour l'avenir. Le boson de Higgs est étudié en tant que possible voie d'accès à une nouvelle physique. Les recherches repoussent les limites de la masse de nouvelles particules bien au-delà de la gamme du TeV, et, même si l'on peut être déçu par l'absence de nouvelles particules, les apparences sont souvent trompeuses, et c'est particulièrement le cas ici. Nous savons qu'il existe une physique au-delà du Modèle standard, mais nous ne savons pas laquelle. Les théories de longue date semblent perdre du terrain devant l'assaut des expériences du LHC, apportant un nouveau dynamisme à la communauté de la physique théorique. Cela donne par-là même des orientations très claires pour le futur programme d'expérimentation du LHC.
J'ai été impressionné par les progrès réalisés sur le plan des techniques d'analyse, qui ont permis d'obtenir des résultats jusqu'ici impensables avec un collisionneur d'hadrons. Les jets, qui sont issus des quarks beauté, sont utilisés pour révéler le rapport d'embranchement du Higgs avec les fermions. Les résultats obtenus sur les saveurs lourdes sont remarquables. En témoignent la découverte par LHCb d'un baryon doublement charmé et les indices fascinants d'écarts par rapport à l'universalité leptonique. Les analyses effectuées sur les saveurs lourdes demeurent une abondante source de physique et de surprises potentielles.
La matière noire est un domaine qui met clairement en évidence les relations étroites entre physique du très petit et physique du très grand. Nous savons qu'elle existe par l'influence qu'elle exerce sur la matière visible, mais nous ne savons pas à quoi elle ressemble. Des techniques en physique des particules et en cosmologie pourraient nous le révéler, mais nous devrons travailler ensemble pour tout comprendre. Si la matière noire ne se manifeste que par ses effets gravitationnels, il sera alors très difficile de la trouver dans le cadre d'études reposant sur des accélérateurs ; néanmoins, des signaux d'énergie manquante pourraient jouer un rôle. S'il existe une interaction résiduelle avec certaines particules connues, alors les accélérateurs seront en première ligne pour une détection directe. C'est un domaine particulièrement actif, d'anciennes théories laissant souvent la place à de nouvelles. De fait, il se peut que nous cherchions toujours désespérément la supersymétrie, mais celle-ci ne constitue pas la seule option, loin de là.
La physique des neutrinos est un domaine extrêmement diversifié, en pleine effervescence. Les divers angles de mélange commencent à être mesurés de façon précise. Les expériences Nova et T2K ont observé au plus près la valeur de la phase de violation de CP, qui semble importante, alors que le débat s’est poursuivi à Venise sur les particules hypothétiques que sont les neutrinos stériles. Ces neutrinos sont particulièrement difficiles à saisir puisqu'ils n'interagissent qu'avec la gravité ; toutefois, ils pourraient être relativement lourds, ce qui en fait des candidats intéressants pour la matière noire. Par ailleurs, les analyses réalisées notamment par l'expérience MiniBooNE du Fermilab ne se laissent pas distancer. Le détecteur ICARUS, qui est en voie d'atteindre son nouveau port d'attache au Fermilab pour y être l'une des expériences courte distance, viendra bientôt les compléter.
Pendant ce temps, à mesure que les résultats sur les ondes gravitationnelles se font jour, la cosmologie est en passe de devenir une science exacte. La conclusion de LIGO selon laquelle il pourrait exister dans la galaxie une abondance de trous noirs ayant une masse supérieure à ce que l'on croyait possible initialement est particulièrement fascinante – les trous noirs pourraient-ils constituer une quantité notable de matière noire ? Et quels mécanismes sont à l'origine de trous noirs si massifs ? En disposant de nouvelles données, nous pourrions avoir rapidement réponse à nos questions. Autre exemple de cosmologie de précision, l'expérience LIGO nous a permis de mettre la masse du graviton à une limite inférieure à 7,7 x 10-23 eV/c2, une valeur incroyablement petite en physique des particules.
Que nous traquions les plus minuscules composants de la matière ou que nous sondions l'immensité de l'Univers, nous sommes tous animés par la même volonté, et les liens qui nous unissent sont plus étroits que jamais. J'ai quitté Venise revigoré : j'attends avec impatience les nouveaux résultats que l'avenir nous réserve prochainement, que ce soit sur les ondes gravitationnelles ou dans le domaine des neutrinos, sans parler des nombreuses découvertes qu'attendent les expériences du CERN. La conférence EPS-HEP 2017 a mis les projecteurs sur un champ de recherches extrêmement dynamique, promettant, dans un avenir proche, de nombreuses avancées passionnantes.