Alors que les travaux liés à l’arrêt technique hivernal battent toujours leur plein au LHC et se déroulent conformément au calendrier, la chaîne d'injecteurs redémarre progressivement. Il y a une semaine, les équipes ont ainsi refermé le Linac 4, le Booster du PS (PSB), le PS et leurs lignes de transfert.
Avant de remettre sous tension les équipements ou même d'envisager l'injection d'un faisceau, l'équipe chargée des opérations effectue des patrouilles obligatoires afin de s'assurer que personne ne se trouve dans les tunnels. Une machine « fermée » signifie que les systèmes de contrôle d’accès et de sécurité sont pleinement opérationnels, empêchant une entrée non autorisée lorsque le faisceau est actif et une injection de faisceau lorsque l'accès est autorisé.
Comme mentionné dans mon premier article de 2025, les tests des systèmes d’accès et de sécurité du personnel (tests DSO), qui visent à confirmer que les systèmes en question fonctionnent comme prévu, constituent la dernière étape du processus. Ces tests ont été effectués avec succès le 10 février pour le Linac 4, le PSB, le PS et leurs lignes de transfert. Cette étape ayant été franchie, tout est maintenant en place pour le redémarrage des machines.
La source du Linac 4 a été redémarrée il y a plus d'une semaine. Elle produit actuellement des impulsions toutes les 1,2 seconde, fournissant une intensité de faisceau de 40 mA. Jusqu'au 19 février, les particules extraites seront absorbées par un arrêt de faisceau situé juste en aval de la source. On peut ainsi mesurer l’intensité du faisceau tout en empêchant une accélération supplémentaire dans le Linac 4.
Pendant cette période, l'équipe chargée des opérations, en collaboration avec les spécialistes des équipements, remet progressivement en service tous les sous-systèmes du Linac 4, y compris les structures d'accélération RF, les systèmes d'aimants et les systèmes de diagnostic de faisceau, en prévision de l'injection et de l'accélération du faisceau. Le faisceau sera ainsi prêt à être reçu par le PSB pour une mise en service le 27 février.
À cette date, les sous-systèmes du PSB auront également été entièrement redémarrés et seront opérationnels. Le PSB devrait alors fournir ses premiers faisceaux en vue de la mise en service du faisceau du PS, qui devrait débuter le 5 mars.
Vous vous souvenez peut-être que, les années précédentes, la source du Linac 4 fournissait une intensité de faisceau de 35 mA pour tous les faisceaux opérationnels. Cette année, après des essais réussis à une intensité de 45 mA, nous avons décidé de commencer les opérations avec une intensité de faisceau de 40 mA.
Le nombre total de protons injectés dans le PSB est déterminé par l’intensité du faisceau du Linac 4 et la durée de son impulsion. En augmentant l’intensité du faisceau de 15 %, la longueur de l'impulsion et donc la durée de l'injection dans le PSB peuvent être réduites du même pourcentage. Bien que cet ajustement ne soit pas strictement nécessaire pour les faisceaux opérationnels actuellement requis, acquérir de l’expérience avec ce mode de fonctionnement pourrait s’avérer utile en prévision des futures configurations de faisceaux, afin d’améliorer la performance.
Notre principal objectif reste bien sûr de fournir des faisceaux stables et de haute qualité à toutes les expériences. En cas de dégradation de la performance du faisceau à la suite de ce changement, l’intensité du faisceau du Linac 4 pourra être ramenée à 35 mA. Après quelques heures de réglage, tous les faisceaux pourraient retrouver exactement la même configuration que l'année dernière. Si tel était le cas, il serait alors essentiel d'étudier et de comprendre la cause des éventuelles variations de performance. Toutefois, à ce stade, rien n'indique que cette modification de l’intensité de la source du Linac 4 aura un impact négatif sur la fourniture de faisceaux aux expériences.
La source du Linac 4 en bref Bien que le complexe d'accélérateurs en aval du Linac 4 fonctionne principalement avec des faisceaux de protons, la source du Linac 4 produit dans un premier temps des ions H- (atomes d'hydrogène chargés négativement). Ces ions sont formés par l'ajout d'un électron supplémentaire aux atomes d'hydrogène, lesquels proviennent d'une bouteille de gaz sous pression et sont constitués d'un seul proton et d'un seul électron. Pour produire ces ions, une petite quantité d'hydrogène gazeux est injectée dans la chambre à vide (également appelée chambre à plasma) de la source d'ions du Linac 4. À l'intérieur de la chambre, de puissantes micro-ondes décomposent les molécules d'hydrogène en leurs composants fondamentaux, ce qui crée un gaz chaud et ionisé dans lequel les atomes d'hydrogène sont séparés en protons et en électrons libres. Ce gaz chaud est appelé plasma. Pour créer des ions H-, les protons doivent capturer deux électrons. Ce processus se déroule de deux manières différentes :
Une fois formés, les ions H-, chargés négativement, sont sensibles aux champs électriques et magnétiques et peuvent être extraits de la source et guidés vers le Linac 4 pour être encore accélérés. L'extraction se fait à l'aide d'un puissant champ électrostatique (45 kV) qui tire les ions H-, chargés négativement, ainsi que les électrons, hors du plasma. Alors que les électrons sont courbés par un champ magnétique et absorbés par un dispositif d’arrêt spécial, les ions H- extraits sortent de la source avec une énergie de 45 keV avant d'être capturés puis propulsés dans le Linac 4 à une énergie allant jusqu'à 160 MeV. Continuez à nous suivre ! Dans un prochain article, j'expliquerai comment nous passons d'un faisceau H- dans le Linac 4 à des faisceaux de protons dans le complexe d'accélérateurs situé en aval ! |