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Le transport d’électricité à plus haute intensité encore

Développée pour le LHC à haute luminosité, une ligne supraconductrice de transport d’électricité a établi un nouveau record d’intensité

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Superconducting link prototype for the High-Luminosity LHC in SM18
La ligne de transmission électrique novatrice, destinée au LHC à haute luminosité, est testée depuis la mi-juin. (Image: CERN)

L’intensité monte au CERN. Dans le hall de test des équipements supraconducteurs, une ligne de transmission novatrice a établi un nouveau record de transport d’électricité. La liaison de 60 mètres de long a conduit 54 000 ampères au total (27 kA dans chaque sens). « C’est la ligne de transmission de courant la plus puissante jamais construite et exploitée ! », souligne Amalia Ballarino, conceptrice et responsable du projet.

Cette ligne est développée dans le cadre du projet de LHC à haute luminosité (HL-LHC), l’accélérateur qui succédera au Grand collisionneur de hadrons (LHC) et devrait entrer en service fin 2027. De telles liaisons relieront des aimants du HL-LHC aux convertisseurs de puissance qui les alimentent. Livrée en décembre dernier, la ligne a été installée en février et a attendu la fin du déconfinement pour que les premiers tests puissent être réalisés.

Interview d’Amalia Ballarino, la responsable du projet de liaison supraconductrice pour le LHC à haute luminosité, lors de l’opération d’insertion de la ligne dans son cryostat en février dernier (Video: CERN)

Le secret de la puissance de la nouvelle ligne tient en un mot : supraconductivité. Les câbles composant la ligne sont constitués de diborure de magnésium (MgB2), un supraconducteur, qui ne présente par conséquent pas de résistance au passage du courant et peut transporter des intensités bien plus élevées que les câbles résistifs traditionnels. En l’occurrence, la ligne a transporté une intensité 25 fois supérieure à celle qui aurait pu être atteinte avec des câbles en cuivre de section similaire. L’intérêt supplémentaire du diborure de magnésium est qu’il fonctionne à 25 kelvins (-248°C), une température plus élevée que celle nécessaire pour les supraconducteurs conventionnels. La stabilité de ce supraconducteur est meilleure et la puissance cryogénique nécessaire est inférieure. Les câbles supraconducteurs formant la ligne innovatrice sont insérés dans un cryostat flexible, dans lequel circule de l’hélium gazeux.

Les brins de diborure de magnésium formant les câbles ont été développés dans l’industrie, sous le pilotage du CERN. La fabrication des câbles a été conçue au CERN, avant de lancer la production industrielle. Les brins de diborure de magnésium étant fragiles, la fabrication des câbles relève de la prouesse. Le courant est transporté depuis l’amenée de courant à température ambiante à la liaison flexible avec des câbles supraconducteurs hautes températures dits HTS (High-Temperature Superconductor) de type REBCO.

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L’un des membres de l’équipe connecte les câbles de la liaison supraconductrice avant les essais de transmission électrique (Image: CERN)

L’an passé, un premier prototype avait déjà transporté une intensité de 40 kA sur 60 mètres. La liaison testée actuellement préfigure la version définitive qui sera installée dans l’accélérateur. Elle est formée de 19 câbles pour alimenter les différents circuits d’aimants et pourrait transporter des intensités allant jusqu’à 120 kA ! « Nous avons débuté les tests de puissance en alimentant quatre câbles, deux à 20 kA et deux à 7 kA », explique Amalia Ballarino. Il faut donc s’attendre à de nouveaux records dans les mois à venir.

Les applications de ce nouveau type de ligne de transport d’électricité dépassent largement le cadre de la recherche fondamentale. Capables de transférer d’énormes quantités de courant dans un diamètre restreint, de telles liaisons pourraient être utilisées pour distribuer le courant dans les grandes métropoles, par exemple, ou relier des sources d’énergie renouvelable à des bassins de population.