La créativité est l’une des cinq valeurs fondamentales du CERN. Aussi, lorsque j’ai entendu dans mon émission de radio préférée que la revue Nature avait publié un article1 sur l’impact des interactions virtuelles sur la créativité, je suis tout de suite allée lire l’article en ligne pour en savoir plus.
La créativité est définie dans les valeurs fondamentales du CERN comme le fait d’« être à la pointe de son domaine professionnel » et de « promouvoir l’innovation et le développement organisationnel ». À cet effet, il est conseillé aux contributeurs du CERN d’être « ouverts aux idées et aux approches nouvelles » et d’adopter « des perspectives différentes afin de produire des idées et concepts nouveaux ».
En raison de la pandémie de COVID-19, la plupart des interactions entre collaborateurs du CERN ont été virtuelles en 2020 et 2021, et Zoom a rapidement fait partie intégrante de notre quotidien professionnel. Un peu malgré nous, nous sommes devenus des spécialistes du réglage de son et d’image, ainsi que de l’ouverture et de la fermeture de la porte de notre salle de réunion virtuelle. Nous nous sommes adaptés aux règles des interactions virtuelles entre collègues. Nous avons levé des mains virtuelles et attendu notre tour pour parler, nous avons posé nos questions sur la messagerie instantanée et nous avons voté pour les options à retenir. Nous avons partagé nos écrans et applaudi virtuellement à la fin des exposés, découvrant peu à peu les outils dont nous disposions pour exprimer nos réactions et nos sentiments.
Tout cela a étonnamment bien fonctionné et, aujourd’hui, le télétravail occupe encore une grande place au bureau, et nous continuons d’interagir virtuellement avec notre équipe, notre section ou notre groupe.
L’article paru dans Nature a, pour moi, été assez déstabilisant.
En effet, de récentes études ont montré que la production collaborative d’idées, qui est au cœur du progrès scientifique, est en fait inhibée par la visioconférence.
Mais comment est-ce possible, alors que la visioconférence, grâce aux progrès réalisés sur les plans de la qualité du réseau et de la résolution d’affichage, permet de transmettre quasiment les mêmes informations verbales et non verbales que lors d’échanges en face à face ?
L’article de Nature explique que, lorsque nous interagissons en face à face, nous partageons le même espace physique. En revanche, lorsque les membres d’une équipe se réunissent virtuellement, ils occupent un espace délimité par l’écran qui se trouve devant eux. Ainsi, lorsqu’ils regardent leur écran Zoom, leur champ visuel se rétrécit et filtre les stimuli visuels périphériques.
C’est là qu’apparaît le lien avec la créativité : il a été démontré que l’attention visuelle et l’attention cognitive sont liées et que, lorsque notre champ visuel se rétrécit, notre champ cognitif se rétrécit lui aussi, ce qui limite par là même le processus sous-tendant la production d’idées.
CQFD2 : la production d’idées au sein des équipes, qui est au cœur de leur créativité, est diminuée par la visioconférence.
Sur une note plus positive, l’article en question montre que les interactions virtuelles n’ont pas d’effet sur le processus logique qui fait suite à la production d’idées, à savoir la sélection des meilleures idées par l’équipe.
Cette découverte explique également pourquoi il est beaucoup plus efficace pour l’ombud de recevoir ses visiteurs en face à face plutôt que de les rencontrer virtuellement. En effet, une grande partie des interactions qui ont lieu dans le bureau de l’ombud consistent en la production d’idées. Il s’agit d’explorer avec la personne venant voir l’ombud toutes les possibilités qui s’offrent à elle pour se sortir d’une situation difficile et de réfléchir ensemble aux éventuelles démarches à prendre.
Nous voici de retour sur place, au CERN, et nous nous en réjouissons. C’est un bonheur (qui l’eût cru ?) de voir à nouveau les parkings pleins et les files d’attente aux restaurants ; nous apprécions même, aujourd’hui, de devoir faire des pieds et des mains pour trouver une salle de réunion libre. Par-dessus tout, nous sommes heureux de retrouver nos collègues en chair et en os, de les voir sourire et de discuter avec eux autour d’un café.
Si l’on en croit cet article de recherche, maintenant que nous sommes de retour sur le domaine du CERN, nous devrions assister dans les mois qui viennent à un pic de créativité et de nouvelles idées pour surmonter les défis scientifiques et résoudre les situations de conflit ou les problèmes avec sa hiérarchie. Une perspective qui a de quoi réjouir ! Je vous souhaite un très bel été !
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1Nature, « Virtual communication curbs creative idea generation », avril 2022, https://www.nature.com/articles/s41586-022-04643-y
2CQFD = ce qu’il fallait démontrer
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