Une expérience de petite envergure mais au fort potentiel innovateur est en cours au CERN. Son objectif ? Tester la meilleure manière d’acheminer, par une même fibre optique, le signal de synchronisation optique développé au CERN, utilisé en temps normal dans les accélérateurs du Laboratoire pour synchroniser les appareils à un niveau de précision extrême, et, en même temps, un signal à photon unique provenant d’une source de photons en intrication quantique. Les résultats pourraient ouvrir la voie à l’utilisation de cette technique dans les réseaux quantiques et la cryptographie quantique.
La recherche dans le domaine des réseaux quantiques connaît une croissance rapide à l’échelle mondiale. Les futurs réseaux quantiques pourraient connecter des ordinateurs quantiques et des capteurs, sans perdre la moindre « information quantique ». Ils pourraient également permettre des échanges sécurisés d’informations, qui auraient des applications dans de nombreux domaines.
À la différence des réseaux classiques, dans lesquels chaque information est encodée sous forme de bits binaires (avec des 0 et des 1), les réseaux quantiques s’appuient sur les propriétés uniques des bits quantiques, ou « qubits », telles que la superposition (le fait qu’un qubit peut exister dans plusieurs états simultanément), et l’intrication (le fait que l’état d’un qubit influence celui d’un autre, quelle que soit la distance qui les sépare). Ces propriétés permettent aux réseaux quantiques d’accomplir des tâches qui, au moyen de réseaux classiques, ne pourraient être réalisées efficacement, ou s’avéreraient impossibles. Les réseaux quantiques peuvent même être utilisés pour tester des concepts fondamentaux en physique tels que les inégalités de Bell et la structure de l’espace-temps.
Dans le cadre de l’initiative Technologie quantique (QTI) du CERN, un laboratoire spécialisé récemment mis en place va tester la meilleure façon d’acheminer par fibre optique le signal de synchronisation optique White Rabbit développé au CERN en même temps que des photons intriqués. Bien que des expériences similaires aient déjà été menées par d’autres équipes de chercheurs à travers le monde, c’est la première fois que cette technologie, initialement conçue pour synchroniser les dispositifs des accélérateurs, est testée localement au CERN à cette fin. « La technologie White Rabbit était toute désignée pour une application en communication quantique, car elle offre une exactitude de l’ordre de moins d’une nanoseconde et une précision de synchronisation de l’ordre de la picoseconde, ce qui la rend idéale pour les grands systèmes répartis et les réseaux quantiques », explique Annick Teepe, chercheuse responsable du laboratoire de réseau quantique du CERN.
La même précision de synchronisation est nécessaire pour la distribution quantique de clés (protocole qui génère des clés de chiffrement sécurisés pour la cryptographie quantique). « Une synchronisation extrêmement précise est essentielle pour la démonstration de la distribution de paires de photons intriqués, qui constitue la base de la distribution quantique de clés, poursuit-elle. À la différence d’autres technologies de synchronisation existantes, White Rabbit est une technologie open source reposant sur des normes ».
Dans l’expérience en cours, le signal de synchronisation classique de White Rabbit est associé à un signal quantique provenant d’une source de paires de photons intriqués, contribution en nature apportée par Qunnect. L’expérience comprend également un détecteur de photons uniques à nanofils supraconducteurs, contribution en nature apportée par Single Quantum.
« En effectuant ces tests, nous souhaitons participer à l’effort mondial concernant la synchronisation de réseaux quantiques, et contribuer à faire de White Rabbit une technologie de référence pour la communication quantique, même dans des environnements distribués et complexes », conclut Amanda Diéz Fernandez, coordinatrice des partenariats pour le QTI.