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Chérie, j'ai rétréci les chambres à vide !

Une nouvelle technique permet de réduire la taille des tubes de faisceau ouvrant la voie à des synchrotrons à électrons à des énergies plus élevées

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Honey, I shrunk the vacuum chambers!

La doctorante Lucia Lain Amador montre un prototype de la chambre à vide avec un diamètre réduit (Image: Maximilien Brice/CERN)

Il faut beaucoup d'effort à arriver à produire du rien. Les tubes de faisceau des accélérateurs de particules font partie des zones les plus vides de l'Univers. S'ils sont mis sous vide, c'est pour éviter que les particules accélérées trouvent sur leur chemin des molécules de gaz. Pour obtenir les vides extrêmes régnant dans ces tubes, on enlève par pompage tous les gaz qui y sont présents, et on applique sur la paroi intérieure un matériau spécial appelé « getter », auquel les molécules restantes viennent se coller. Une équipe du groupe de vide du CERN vient de faire la démonstration d'une nouvelle méthode permettant d'appliquer un revêtement getter dans des tuyaux beaucoup plus minces que ce qui était possible jusqu'alors. Grâce à cette technique, certains accélérateurs, tels les synchrotrons à électrons, pourraient fonctionner avec des faisceaux mieux focalisés et produire un rayonnement plus brillant, car il deviendrait possible de rapprocher les aimants des faisceaux.

La méthode traditionnellement utilisée pour l'application du getter consiste à produire à l'intérieur des tuyaux un plasma du matériau de revêtement et, au moyen d'une haute tension, de procéder au dépôt du matériau sur les parois internes. Mais plus le tuyau est long et fin, plus il est difficile d'obtenir un plasma stable ; si le diamètre est de quelques millimètres et la longueur de plusieurs mètres, il est impossible qu'un plasma se forme, ce qui rend cette méthode inapplicable.

Quand on arrive aux limites des techniques existantes, il est parfois utile de prendre le problème dans l'autre sens. Plutôt que de commencer par réaliser le tuyau, avant d'appliquer le revêtement à l'intérieur, les ingénieurs ont procédé de la façon inverse. Ils ont commencé par appliquer le revêtement sur la partie extérieure d'une structure provisoire, puis ont construit le tube de faisceaux autour du revêtement par un procédé de placage métallique. La structure support, appelé également « mandrin perdu », constituée d'aluminium très pur, est ensuite dissoute, ce qui laisse une chambre à vide fine comportant un revêtement intérieur en getter pré-appliqué.

« Le grand avantage de notre technique est qu'elle peut aussi être utilisée pour réaliser des chambres à vide de section non circulaire, explique Lucia Lain Amador, doctorante qui dirige le projet. Et ce procédé ne se limite pas à l'application de getter, il pourra être utilisé pour appliquer n'importe quel revêtement. » L'idée d'utiliser un mandrin perdu n'est pas nouvelle ; des mandrins de gomme silicone ont été utilisés à l'Institut Paul Scherrer, en Suisse. L'innovation proposée par l'équipe du CERN vient de l'utilisation de l'aluminium, qui, contrairement à la gomme silicone, produit un mandrin rigide et exempt de produits contaminants.

Pour le moment, il n'est pas prévu d'utiliser cette technique pour les collisionneurs tels que le LHC ; elle reste destinée aux synchrotrons à électrons, pour lesquels on a besoin de tubes de faisceau de petit diamètre avec des géométries variables. Lucia et ses collègues ont perfectionné cette technique en produisant plusieurs chambres à vide prototypes et espèrent la voir se répandre dans les années à venir.