Tout comme le boson de Higgs, découvert en 2012, les ondes gravitationnelles ont marqué une décennie de découvertes extraordinaires en physique. Contrairement à la gravité, qui se crée lorsque des objets massifs laissent leur empreinte dans le tissu de l'espace-temps, les ondes gravitationnelles sont de très faibles ondulations dans l'espace-temps causées par des masses accélérées par la gravité. À ce jour, les scientifiques ont pu détecter les ondes gravitationnelles générées par la fusion d'objets très lourds, tels que les trous noirs ou les étoiles à neutrons. Lorsque cela se produit, ces échos du passé se répercutent dans tout l'Univers avant d'atteindre la Terre, ce qui nous permet de reconstituer ce qu'il s'est passé il y a des millions d'années-lumière.
Les observatoires d'ondes gravitationnelles actuels ne peuvent détecter que certaines ondes, car ils ne couvrent qu'un spectre étroit de l'ensemble des longueurs d'onde émises. Les futurs observatoires d'ondes gravitationnelles tels que le télescope Einstein, qui est une expérience reconnue par le CERN, devront être plus grands afin de couvrir une plus large bande d'ondes gravitationnelles, et de recueillir ainsi davantage d'informations sur l'Univers.
La technologie de l’ultravide compte parmi les éléments essentiels des futurs observatoires d'ondes gravitationnelles. En tant qu'installation de R&D de premier plan au niveau mondial pour les applications dans ce domaine, le CERN est l'un des seuls endroits où l'on est capable de construire des systèmes d'ultravide de très grande longueur. Le CERN installe depuis une dizaine d'années déjà des systèmes de vide complexes et ultra purs sous terre, ce qui représente un atout supplémentaire pour le télescope Einstein, celui-ci devant être placé à 200 mètres au moins sous la surface de la Terre. C'est la raison pour laquelle les principaux instituts de la collaboration Einstein Telescope ont conclu en 2022 un accord avec le CERN. Sur la base de cet accord, un atelier a été organisé en mars 2023 pour réfléchir à la conception des systèmes en question et aux matériaux qui conviendraient le mieux. La collaboration espère achever un prototype de tube à vide d'ici la fin de l'année 2025. Les réflexions menées au cours de l'atelier contribueront à réduire le coût de construction du télescope Einstein, mais aussi, potentiellement, celui des futurs accélérateurs. « La sensibilité attendue du télescope Einstein sera au moins dix fois supérieure à celle des détecteurs Ligo et Virgo, explique Michele Punturo, qui a débuté sa carrière en tant que physicien au CERN et est à présent le porte-parole de la collaboration. Sa sensibilité aux basses fréquences nous permettra de détecter les trous noirs de masse intermédiaire. »
Le télescope Einstein est conçu pour mesurer les ondes gravitationnelles avec dix fois plus de précision que les détecteurs actuels, et viendra compléter les futurs détecteurs spatiaux. L'expérience consiste à envoyer un faisceau laser dans le tunnel triangulaire de 120 km de long. Ce faisceau est ensuite divisé en deux faisceaux, qui sont réfléchis par des miroirs. La longueur du tunnel a été choisie de sorte que les deux faisceaux laser s'annulent mutuellement de façon précise. Si une onde gravitationnelle croise le signal laser, elle le perturbera et laissera ainsi son empreinte. La nature de cette empreinte fournira aux scientifiques des informations sur l'événement à l'origine de l'onde gravitationnelle.
En raison de la grande précision du signal, le système de vide dans lequel fonctionne le laser doit être ultra pur, mais aussi exempt de toutes vibrations et ondes électromagnétiques qui pourraient ressembler au signal d'une onde gravitationnelle.
Il est possible que la matière noire, l'insaisissable forme de matière qui semble constituer la majeure partie de notre Univers, modifie aussi la fréquence des ondes gravitationnelles. Les théoriciens travaillent déjà sur des modèles permettant de vérifier si un signal enregistré pourrait être influencé par la matière noire. Ces recherches viendraient compléter celles sur la matière noire menées actuellement dans les expériences utilisant des collisionneurs ou des cibles fixes au CERN.
Regardez cette vidéo dans laquelle s’exprime Michele Punturo, porte-parole de la collaboration Einstein Telescope. (Video: CERN)
À retenir
|