L'hadronthérapie est une technique de radiothérapie de pointe utilisant des faisceaux de protons ou d'ions pour cibler les cellules cancéreuses, tout en préservant les tissus sains environnants des rayonnements non désirés. Pour obtenir les meilleurs résultats, l’hadronthérapie nécessite un dispositif complexe, appelé portique, que l’on fait pivoter autour du patient et qui est équipé d’aimants guidant avec précision les faisceaux d’hadrons sur les tumeurs. Malheureusement, la taille et le coût de ces machines constituent un obstacle au développement de ce type de traitement.
S'appuyant sur son savoir-faire en matière d'aimants supraconducteurs, une équipe du CERN a mis au point un nouveau portique supraconducteur plus léger, appelé GaToroid, qui devrait être beaucoup plus compact que les dispositifs actuels tout en conservant la même précision. Contrairement aux portiques rotatifs traditionnels, le GaToroid peut envoyer des faisceaux de particules dans différentes directions sans qu'il soit nécessaire de déplacer le patient ou les aimants. Il utilise des bobines supraconductrices compactes placées à différents angles autour du patient afin de créer un champ magnétique toroïdal stable capable de diriger des faisceaux de particules sur une tumeur, dans n’importe quelle direction, protégeant le patient des champs magnétiques parasites.
D’un diamètre de cinq mètres et pesant 12 tonnes environ dans le cas d’une utilisation avec des faisceaux de protons, le dispositif GaToroid est particulièrement compact grâce aux supraconducteurs. La réduction du poids est considérable par rapport aux portiques traditionnels du même type, qui peuvent peser jusqu'à 270 tonnes.
En 2023, l'équipe responsable du projet GaToroid a fabriqué et testé un aimant de démonstration trois fois plus petit, constitué d'une seule bobine pour la version protons du dispositif. Avec cet aimant, l’équipe voulait démontrer la résistance mécanique de la structure et vérifier la qualité du champ magnétique. Pour la fabrication de l’aimant, c’est le niobium-titane qui a été retenu comme matériau supraconducteur, le même que celui utilisé pour les câbles des aimants du LHC. « Les tests que nous avons effectués avec notre GaToroid de démonstration ont été couronnés de succès, révélant d'excellentes performances ; ils ont démontré que cette technologie d’aimant est prête pour ce type d'application », déclare Luca Bottura, chef du projet.
L'équipe a réalisé plusieurs tests sur l'aimant et a recueilli des mesures précises du profil du champ magnétique. « L'aimant a généré un champ qui correspondait à celui attendu, avec une marge d’erreur de moins de 1 %, et il n'a montré aucun signe de dégradation mécanique après les essais de mise sous tension », explique Gianluca Vernassa, qui a effectué les calculs mécaniques et électromagnétiques sur l'aimant de démonstration.
Cette conception innovante a déjà suscité un vif intérêt auprès des spécialistes de la thérapie par faisceaux de particules en Europe. Notamment, le centre de recherche PARTREC a exprimé le souhait de collaborer avec l'équipe du CERN afin d’étudier comment le dispositif GaToroid pourrait être adapté à la radiothérapie FLASH.
Contrairement à la radiothérapie traditionnelle, qui veut que les différentes doses du traitement soient administrées séquentiellement depuis différentes directions, avec de longues pauses lors desquelles le portique rotatif doit être ajusté, la radiothérapie FLASH administre simultanément la totalité de la dose, en 100 millisecondes, depuis toutes les directions. Alors que les portiques rotatifs conventionnels ne permettent pas un tel fonctionnement en raison de leurs contraintes inhérentes, le dispositif GaToroid, avec sa structure fixe et sa capacité à fournir des faisceaux à partir d’angles multiples sans ajustements mécaniques, serait parfaitement adapté à ce type de traitement. Le dispositif GaToroid est potentiellement une technologie habilitante pour l’utilisation d’hadrons dans le cadre d’une radiothérapie FLASH, ce qui n’est pas possible avec les systèmes existants.
Suite au succès du GaToroid de démonstration, l’équipe a proposé plusieurs modèles du dispositif GaToroid adaptés à la radiothérapie FLASH. Il s'agit notamment d'un modèle prévu pour des électrons de très haute énergie (VHEE), et d’un système utilisant des protons pour lequel une proposition a déjà été formulée en collaboration avec PARTREC. L'équipe du CERN travaille activement sur ces projets et attend de nouveaux résultats en 2025.
Pour en savoir plus sur le dispositif GaToroid, veuillez consulter le site web du groupe Transfert de connaissances du CERN (en anglais).