Dans un article publié aujourd’hui dans la revue Nature Communications, l’expérience ALPHA auprès du Décélérateur d'antiprotons (AD) du CERN rapporte une mesure de la charge électrique d’atomes d’antihydrogène qui se révèle compatible avec zéro jusqu’à la huitième décimale. Ce résultat n’a rien de surprenant, étant donné que les atomes d’hydrogène sont électriquement neutres, mais c’est la première fois que la charge d’un antiatome est mesurée avec une grande précision.
« C’est la première fois que nous parvenons à étudier l’antihydrogène avec précision, explique Jeffrey Hangst, porte-parole d'ALPHA. Nous avons bon espoir que la technique de piégeage d’ALPHA produira de nombreux résultats de ce genre dans l'avenir. Nous attendons avec impatience le redémarrage du programme du Décélérateur d’antiprotons, en août, grâce auquel nous pourrons continuer d’étudier l’antihydrogène avec une précision de plus en plus grande. »
Les antiparticules devraient être identiques aux particules de matière, sauf pour ce qui concerne le signe de leur charge électrique. Ainsi, alors que l'atome d'hydrogène est composé d'un proton de charge +1 et d'un électron de charge -1, l'atome d'antihydrogène est formé d'un antiproton de charge -1 et d’un positon de charge +1. Toutefois, nous savons que la matière et l’antimatière ne sont pas des opposés exacts – la nature semble avoir une préférence, de l’ordre d’un dix milliardième, pour la matière plutôt que pour l’antimatière. Il est donc important de mesurer les propriétés de l’antimatière avec une grande précision, et c'est là l'objectif principal des expériences du Décélérateur d'antiprotons du CERN. Pour y parvenir, ALPHA utilise un système complexe de pièges à particules qui permet de produire des atomes d’antihydrogène et de les stocker pendant une durée suffisante pour pouvoir les étudier en détail. Comprendre l’asymétrie entre la matière et l’antimatière est l’un des plus grands défis de la physique aujourd’hui ; toute différence détectable entre matière et antimatière pourrait contribuer à résoudre le mystère et ouvrir la porte à une nouvelle physique.
Pour mesurer la charge de l’antihydrogène, l’expérience ALPHA a étudié les trajectoires d'atomes d'antihydrogène libérés d'un piège en présence d'un champ électrique. Si les atomes d’antihydrogène avaient une charge électrique, le champ les ferait dévier, tandis que des atomes neutres conserveraient leur trajectoire. Le résultat, basé sur 386 événements enregistrés, donne pour la charge électrique de l’antihydrogène une valeur de (-1,3±1,1±0,4) × 10-8, les chiffres précédés du signe « ± » représentant les incertitudes statistique et systématique de la mesure.
Avec le redémarrage de la chaîne d'accélérateurs du CERN qui s’amorce, le programme de recherche sur l'antimatière du Laboratoire est prêt à reprendre. Plusieurs expériences enregistreront des données, parmi lesquelles ALPHA-2, version améliorée de l’expérience ALPHA, mais aussi ATRAP, ASACUSA et la nouvelle venue, AEgIS, qui étudiera l’influence de la gravité sur l’antihydrogène.
Pour en savoir plus:
Article dans Nature