Première utilisatrice de TELMAX – la nouvelle ligne de faisceau de test avec antiprotons de l’usine à antimatière du CERN – l’expérience PAX (antiProtonic Atom X-ray spectroscopy) – a pour objectif de tester l’électrodynamique quantique (EDQ) – la théorie qui décrit les interactions entre la lumière et les particules chargées – dans des conditions de champs électriques intenses. Pourquoi de telles conditions ? « Bien que nous comprenions bien l’EDQ pour les systèmes légers, comme l'atome d'hydrogène, elle n'a pas encore été explorée en détail pour les atomes très chargés en présence de forts champs électriques, explique Nancy Paul, porte-parole de l’expérience. Cela s'explique par des difficultés expérimentales et des incertitudes liées aux propriétés nucléaires inconnues. Or, qui dit champs électriques intenses, dit amplification des effets de l’EDQ… et donc de meilleures chances de les mesurer. »
Menée par une équipe du Centre national de la recherche scientifique (CNRS, France) et financée par le Conseil européen de la recherche (ERC), PAX utilise une nouvelle approche : la spectroscopie à très haute précision des rayons X émis par des atomes antiprotoniques, c’est-à-dire des atomes contenant un antiproton en orbite autour du noyau. En étudiant les transitions entre les différents états de ces atomes, les chercheurs peuvent obtenir des résultats plus précis qu’avec d’autres approches. Et l’expérience combine pour ce faire pas moins de deux nouvelles technologies : les faisceaux d'antiprotons de faible intensité de TELMAX et un détecteur de rayons X à capteur quantique.
Pour créer les atomes antiprotoniques – des atomes dans lequel un électron est remplacé par un antiproton – le faisceau d’antiprotons de TELMAX est dirigé sur une cible solide (en zirconium, silicium ou or) ou gazeuse (néon, argon, krypton ou xénon), selon les cas. « Ces atomes antiprotoniques génèrent des champs de Coulomb bien plus puissants que les atomes ‘classiques’ ; c’est cela qui permet d'amplifier les effets de l’EDQ », poursuit Nancy Paul. En étudiant l’électrodynamique quantique dans ces conditions particulières, la collaboration espère détecter des écarts minimes avec les prédictions, pouvant indiquer des phénomènes inconnus. « Le Modèle standard de la physique des particules est incomplet et les mesures de précision dans les systèmes quantiques sont essentielles pour approfondir nos connaissances sur l’EDQ et éventuellement découvrir une nouvelle physique », explique Nancy Paul.
Le tout nouveau détecteur de rayons X à capteur quantique qu’utilise PAX permet par ailleurs d’améliorer la sensibilité au-delà de ce qui était possible avec les approches traditionnelles. « Nous utilisons pour notre expérience un nouveau détecteur microcalorimétrique de rayons X à détection quantique TES (‘Transition Edge Sensing’). Ces détecteurs offrent une précision énergétique 50 à 100 fois meilleure que les détecteurs à semi-conducteurs – jusqu’à 1 eV sur des rayons X de 100 keV – que les détecteurs traditionnels », poursuit la physicienne. Ce détecteur est fabriqué par une équipe de la Division des capteurs quantiques de l’Institut national des normes et de la technologie (NIST, États-Unis). Ce sont les mêmes types de détecteurs utilisés, entre autres, pour l'astronomie à rayons X sur les satellites, comme par exemple dans le projet ATHENA. Et PAX est ainsi la première application de cette nouvelle technologie à l'antimatière.